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Critique de Pasoa


Grande figure de la poésie américaine, Prix Pulitzer en 1993 pour son recueil The Wild Iris (L'Iris sauvage), la reconnaissance de Louise Glück en France a été, de manière assez incompréhensible, très tardive et s'est faite à la faveur du Prix Nobel qui lui a été attribué en 2020. C'est de cette même année que date la première traduction et publication de son oeuvre en France.

Publié en 2006, Averno est, après L'Iris sauvage, le second recueil que je lis de Louise Glück.

Un des points d'ancrage du recueil est l'Averno (l'Averne), le nom d'un petit lac volcanique situé tout près de Naples, qui donne son titre au livre. Pour les Anciens, l'Averno représentait l'entrée des Enfers.
Autre point d'ancrage : un autre lac, celui de l'enfance auprès duquel l'auteure était autorisée par ses parents à se balader seule la nuit accompagnée de son chien.
La troisième entrée du recueil, c'est le mythe grec de Perséphone (Louise Glück était passionnée par les récits mythologiques). Enlevée par Hadès, le dieu des Enfers, emmenée dans le monde des morts, sa mère Déméter partie à sa recherche, tentera de la ramener à plusieurs reprises dans le monde des vivants.

L'Averno, le lac de l'enfance et le mythe de Perséphone vont comme des thèmes constituer la trame du recueil. Sans s'influer les uns les autres, ces leitmotivs vont se répondre comme en écho, comme des réminiscences venant justifier le présent.

Dès les premières pages, on rentre dans une atmosphère étrange, diffuse. Les poèmes apparaissent comme une déploration d'un monde détruit. Mais au fil du recueil, comme en contraste, va apparaître l'expression d'un émerveillement devant la splendeur de la terre, de la nature.

Dans l'Averno, j'ai retrouvé quelques-uns des thèmes déjà présents dans l'Iris sauvage : l'incommunicabilité, l'indicible qui complique les relations entre les êtres et leur rapport au monde. Au travers d'eux, de manière plus ou moins prononcée, Louise Glück explore les états du coeur et de l'âme, de l'amour, mais aussi de la séparation, de la disparition.

« Le moi s'achève et le monde commence.
Ils étaient de taille égale,
commensurables,
l'un étant le miroir de l'autre. »

Il y a dans la poésie de Glück l'affirmation d'une nécessité de se souvenir, de garder en soi la marque de l'existence mais aussi la répugnance que nous avons à le faire. La mémoire agit chez la poétesse américaine comme l'expression d'un traumatisme – A quoi cela sert-il de se souvenir ? A quoi cela sert-il de revenir à l'origine de l'utilité de l'existence ?

« Il est vrai qu'il n'y a pas assez de beauté dans le monde.
Il est également vrai que je n'ai pas les compétences
pour la restaurer.
La candeur n'existe pas non plus, et là, peut-être
pourrais-je être d'une certaine utilité. »


En réponse aux thèmes abordés, jamais Louise Glück n'avance de certitudes, d'opinions tranchées. Son écriture est marquée par des hésitations, des phases d'incertitude et de remise en cause. Elle fait le choix de l'ellipse, cultive un goût pour le secret qui font qu'elle ne dévoile jamais totalement son intention ou sa pensée.
Ses poèmes apparaissent comme une suite d'échos, de fragments par lesquels elle veut souligner la reprise, la modulation, la variation. Autant de choix qui confirment la persistance chez elle à ne pas se prononcer définitivement sur un thème donné.


En écho au récit mythologique, Glück utilise la sphère personnelle pour se projeter dans des questions métaphysiques et esthétiques. Dans nombre de ses poèmes apparaît la tentation de la narration, du témoignage de ce que fût son enfance.
J'apprécie la poésie de Louise Glück dans ce qu'elle révèle de part aléatoire et mouvante de la vie.
Une poésie de la réserve, sensible, qui fait naître une intimité, un rapport des plus étroits entre l'acte d'écrire et celui de lire.

« Je montai à cheval pour te retrouver : des rêves
semblables à des êtres vivants essaimaient tout autour
de moi
et la lune à ma droite
me suivait, brûlante.

Je montai à cheval pour revenir : tout changea.
Mon âme amoureuse était triste
et la lune sur ma gauche
me tirait sans espoir.

A de telles impressions infinies
nous, les poètes, nous donnons de façon absolue,
faisant, en silence, présage d'un simple événement,
jusqu'à ce que le monde reflète les besoins les plus
profonds de l'âme. »

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