Citations sur Angélique, tome 1.1 : Marquise des anges (17)
Derrière les yeux d'une femme, on croit qu'il n'y a rien et l'on découvre un monde.
Voyez, là-bas,dans le jardin, ce petit bassin d'eau verte où la lune plonge comme une pierre de crapaudine dans un verre d'anis... Eh bien, cette eau a la même couleur que vos yeux, ma mie. Jamais, à travers le monde, je n'ai rencontré de prunelles si étranges, ni si séduisantes. Et voyez ces roses qui s'accrochent en guirlandes à notre balcon. Elles ont la même teinte que vos lèvres. Non, vraiment, jamais je n'ai rencontré lèvres si rose... Et si close. Quant à leur douceur.. Je vais en juger.
Je ne peux pas sourire, car j'ai trop attendu cet instant, et il m'etreint jusqu'à la douleur. Je n'ai jamais aimé aucune femme comme toi. Angélique, et il me semble que je t'aimais avant même de te connaître. Et lorsque je t'ai vue... C'était toi que j'attendais. Mais tu passais hautaine, à portée de ma main comme un elfe des marais, insaisissable. Et je te faisais des aveux plaisants, de peur d'un geste d'horreur ou de moquerie. Jamais je n'ai attendu une femme si longtemps, ni n'ai déployé tant de patience. Et pourtant tu étais à moi.
Je suis Angélique, je mène en guerre mes petits anges.
Une conquête facile rend l'amour sans valeur, une conquête difficile lui donne du prix.
Oui... Je l'ai vu... Il est venu bien des fois au pays. C'est un homme si laid que les filles s'enfuient quand il passe sur son cheval noir. Il est boiteux comme le Maudit, mauvais comme lui... On dit que, dans son château de Toulouse, il attire les femmes par des philtres et des chants étranges... Celle qui le suivent, on ne les revoit plus, ou bien elles deviennent folles... Ah! Ah! Ah! Que voilà un bel époux, mademoiselle de Sancé!
Je sais ce que tu veux me dire, interrompit-il dans une voix sourde. Je le lis dans tes yeux et dans la façon dont tu redresses la tête. Tu es Mlle de Sancé et moi je suis un valet... Et maintenant, c'est fini pour nous de nous regarder même en face. Moi, je dois rester tête basse! Bien, mademoiselle; oui mademoiselle... Et toi. Ce sont tes yeux qui passent par-dessus moi, sans me voir... Pas plus qu'une bûche, moins qu'un chien.
-Mes agneaux, dit M.Vincent, mes petits enfants du Bon Dieu, vous avez essayé de goûter au fruit vert de l'amour. Voilà pourquoi vos dents sont agacées et vos cœurs pleins de tristesse. Laissez donc mûrir au soleil delà vie ce qui est destiné de tout temps à s'épanouir. Il ne faut pas s'égarer lorsqu'on recherche l'amour, car il se peut alors qu'on ne le retrouve jamais. Quel plus cruel châtiment de l'impatience et de la faiblesse que d'être condamné pour la vie à ne mordre que dans des fruits amers et sans saveur!
– Par grâce, madame, ne racontez cette histoire à personne, même à votre servante préférée. Si l'on apprend que je quitte mes hôtes, que je me déguise et que je me masque pour aller voler un baiser à ma propre femme, je serai ridiculisé.
Elle avait des idées de grandeur.
– Je suis marquise, déclarait-elle à qui voulait l'entendre.
– Ah ! oui ? Et pourquoi donc ?
– Parce que j'ai épousé un marquis, répondait-elle.
Le « marquis », c'était tour à tour Valentin ou Nicolas, ou l'un des quelques garnements, pas plus méchants que des oiseaux, qu'elle traînait derrière elle à travers prés et bois. Elle disait encore si drôlement :
– Je suis Angélique, je mène en guerre mes petits anges.
D'où lui vint son surnom : la petite marquise des anges.