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Critique de Fabinou7


N'y aurait-il pas des relents de “Chaud-derrière” De Laclos dans ce très étrange roman, au parfum de scandale, de Witold Gombrowicz ?

En effet, l'écrivain polonais semble nous pondre au milieu du XXème siècle un récit libertin façon XVIIIe siècle : le quatuor, avec les deux ingénus, et les deux personnages plus âgés qui se jouent de leur jeunesse et de leur inexpérience et les utilisent avec un certain sadisme (le terme arrive à brûle pour point) comme moyen pour assouvir leurs fins érotiques, perverses presque pasoliniennes. Libre-arbitre pour les maîtres et déterminisme implacable pour les objets de leurs fantasmes.
Néanmoins, de façon très subtile certes, les deux jeunes gens ne font pas le même effet au narrateur et son complice, le jeune homme est plus fascinant pour nos deux compères tordus, sans doute cet attrait est la trace littéraire (et volontaire) de l'homosexualité de Gombrowicz lui-même.

Du reste, cette objectivation des êtres, cette jouissance par procuration et dans la manipulation, ce plaisir dans la dégradation, la destruction des liens amoureux sont inhérents à ce courant libertino-littéraire, c'est toujours la défaite d'Eros sur Thanatos, loin d'une sensualité solaire, égale, heureuse et franche.

Toutefois, comme son nom ne l'indique pas, il n'est absolument pas question d'obscénité dans le roman, rien de plus que que l'émoi causé par la nuque du jeune homme dans les premières pages.

Gombrowicz aime à se mettre en scène comme personnage et narrateur de sa propre histoire, loin pourtant du courant de l'auto-fiction, son désir de “tester” son roman en le vivant de l'intérieur, comme un personnage sera aussi la cause d'un accueil mitigé en Pologne. En effet, les passages relatifs à la Résistance passent mal pour les polonais qui savent que Gombrowicz, le vrai, vivait en ce temps-là en Argentine, bien loin des calamités qui s'abattaient sur ses concitoyens, notion - la citoyenneté - au demeurant très secondaire, voire reniée par l'auteur.

Qu'est ce donc que ce singulier roman, une métaphore du sort de la Pologne, jouet entre les mains des dictateurs russe et des allemand de l'époque ? Ou bien est-ce le roman d'une vieillesse qui se déteste et qui cherche à exister, à fusionner dans la jeunesse, comme deux aimants qui s'attirent (du moins le suppose t-il…) et s'opposent à la fois ?

Toujours est-il que le style de Gombrowicz y est pour beaucoup dans le plaisir de la lecture. L'auteur souhaitait rendre accessible son oeuvre, comme dans un “roman de province”, l'intrigue glisse sans anicroches ni platitude, juste ce qu'il faut d'exigence dans le style pour nous permettre d'appréhender les thèmes très alambiqués du livre.

Gombrowicz s'interroge d'ailleurs sur ses partis pris stylistiques : “ai-je raison de penser que plus la littérature est téméraire et d'un accès difficile, plus elle devrait retourner vers des formes anciennes, faciles, auxquelles les lecteurs se sont habitués ?”

Mille fois oui Witold ! Et vous, qu'en pensez-vous ?
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