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Critique de Pecosa


J'éprouve pour je ne sais quelle raison une tendresse particulière à l'égard de David Goodis, qui quitta du jour au lendemain un emploi de scénariste à Hollywood pour revenir vivre chez ses parents à Philadelphie, écrire des romans noirs, et y mourir. Il fut sauvé de l'oubli par des lecteurs et réalisateurs français enthousiastes.

La solitude et le désespoir exsudent toujours par les pores de la peau de ses personnages, et celui du Casse (The Burglar), ne fait pas exception à la règle.
Nathaniel Harbin, jeune orphelin de l'Iowa parti sur les routes comme des milliers d'autres lors de la Grande Dépression est tombé d'inanition au bord d'un chemin du Nebraska. Il est recueilli par Gérald Gladden, un ancien repris de justice qui vit de cambriolages et qui parcourt le pays avec sa petite fille.
A la mort de son sauveur et mentor qui lui a appris les ficelles du métier, Harbin monte une petite équipe à laquelle il intègre sa fille. Harbin est un voleur ingénieux féru de pierres précieuses qui opère avec doigté et discrétion. Mais à la suite d'un casse particulièrement rentable, la chance semble lui tourner le dos. Della, une belle inconnue, jette son dévolu sur lui. Sa « soeur adoptive » s'enfuit à Atlantic City, des flics pourris sont sur leur piste.

Le Casse possède tous les signes d'un bon roman hard-boiled: un homme solitaire qui fuit toute forme d'attachement -«  Il s'était toujours arrangé pour éviter de s'engager trop loin. C'était uniquement une question d'adresse.Savoir retirer son épingle du jeu au bon moment. Et cette fois-ci, il était sans doute grand temps de s'esquiver. » -, un espace urbain désincarné et désenchanté, un système judiciaire inégalitaire, une police corrompue… Mais il y a la touche Goodis, celle qui fait de ses romans noirs des tragédies antiques. Ses héros sont dans l'incapacité d'échapper à leur destinée, englués dans des réalités sinistres, le tout rythmé par une écriture d'une infinie mélancolie.
Dans le Casse, le roman noir se teinte aussi de psychanalyse. Harbin est dépassé par l'ambiguité des sentiments qu'il nourrit à l'égard de sa « soeur adoptive » aux côtés de laquelle il a grandi, et dont il a ensuite assuré l'éducation et la survie. Il a ainsi lui même fondé une nouvelle « famille », avec laquelle il monte des coups, deux hommes, Baylock et Dohmer, ses complices et Gladden, qui a choisi de faire de son patronyme un prénom. Mais l'arrivée d'un intrus, ici Della, la femme fatale, dans le phalanstère fait voler la fratrie en éclat.

Aucune des deux adaptations cinématographiques, le Cambrioleur de Paul Wendkos sorti en 1957 dont Goodis fut le scénariste, et le Casse, réalisé par Henri Verneuil en 1971 ne restitue la complexité de ce très bon roman noir.
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