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Critique de Eric75


Il aura fallu attendre le 10e album, prépublié en 1966 et sorti en 1967, pour rencontrer un personnage féminin jouant un rôle essentiel dans le scénario (si l'on excepte le cas atypique de Cléopâtre, hors compétition, qui dispose du statut très particulier de personnage historique à l'instar de Jules César).

Autre caractéristique notable de cet album : Astérix Légionnaire nous plonge dans un contexte plus que jamais conforme aux batailles historiques menées par Jules César à l'époque d'Astérix. En effet, tel Fabrice del Dongo participant malgré lui à la bataille de Waterloo dans La Chartreuse de Parme, nos héros sont les acteurs involontaires de la Bataille de Thapsus, qui opposa l'armée de Jules César aux troupes de Scipion l'Africain allié au roi Juba Ier de Numidie et à Lucius Afranius (surnommé « le traitre » par Jules César dans l'album) et se déroula le 6 avril 46 av. J-C., soit quatre petites années seulement après l'incontournable date fatidique de toutes les aventures d'Astérix.

L'album regorge de clins d'oeil, encore faut-il pouvoir les détecter. Les plus fameux, pour ne citer que ceux-là, sont la parodie du tableau le Radeau de la Méduse de Géricault et la réplique associée de Barbe-rouge, chef des pirates « médusé » (page 35), l'apparition de la houpette de Tintin quand le Belge Mouléfix soulève son casque (page 21) et le juron du Goth Chiméric, traduit dans notre langue, comportant un casque à pointe sur un crâne, une spirale carrée et une croix gammée, qui rappelle le juron déjà rencontré dans Astérix et les Goths (page 21).

J'ajoute ici un élément nouveau que je viens de consigner dans la page Wikipédia de l'album. L'arc de triomphe représenté à l'entrée de Massilia (Marseille) existe, il s'agit de l'Arc de Titus bâti près de la Via Sacra à Rome (page 32). A Marseille, la Porte d'Aix est un monument qui a pour modèle l'Arc de Titus mais n'est nullement romain, sa construction s'est achevée sous Louis-Philippe Ier. le dessin d'Uderzo ressemble plus à l'Arc de Titus de Rome qu'à la Porte d'Aix de Marseille.

On notera au rayon des caricatures la première apparition (page 37) de l'ami public numéro 1 Pierre Tchernia représenté en général de l'état-major de Jules César (on le reverra plus tard occuper – et même « décliner » – quasiment tous les niveaux hiérarchiques de l'armée romaine), et Jean Marais qui prête ses traits à Tragicomix (pages 43 et suivantes).

Avec l'arrivée de Falbala, les futurs personnages féminins du village pourront désormais disposer d'une personnalité propre et sortir de l'anonymat. Avant cet album, les femmes gauloises ou romaines généralement anonymes obéissaient à des stéréotypes et faisaient de la figuration (épouses, ménagères, mères de famille). Seulement une poignée d'entre elles avaient été pourvues d'un prénom (Flavia, Eponine, Boufiltre). Par la suite, d'autres habitantes du village vont apparaître au fil des albums, renforceront la population féminine et endosseront des rôles récurrents : Bonemine (dans l'album n°11 : le Bouclier arverne), Iélosubmarine (dans l'album n°14 : Astérix en Hispanie), Mme Cétautomatix et Mme Agecanonix (dans l'album n°15 La Zizanie). Pour reprendre mon exercice favori de recensement par album, j'ai pour celui-ci détecté : Falbala, femme fatale par qui tout commence (page 5 et suivantes) et une villageoise anonyme qui balaye son perron (page 11). Depuis 10 albums, aucune femme ne participe au banquet (page 48). Par sa seule présence, Falbala a quasiment balayé toute concurrence sur son passage.

Falbala reviendra plus tard dans La Galère d'Obélix, Astérix et Latraviata, La Rentrée Gauloise et L'Anniversaire - le Livre d'Or. C'est donc un personnage récurrent, même si elle quittera le village pour Condate (Rennes). Falbala nous fait découvrir un nouveau trait de caractère d'Obélix. On savait que celui-ci était un grand timide (cf. Obélix invitant une demoiselle à danser dans Astérix et les Normands), on le découvre ici très « fleur bleue » et tombant amoureux au premier regard. le sentiment amoureux et son état de béatitude associé ne sont montrés que très rarement dans la bande dessinée. Ici, ils se traduisent par de nombreux effets psychologiques assez cocasses chez Obélix, et ils vont toucher plusieurs personnages tant le charme de Falbala est redoutable !

Les romains sont tournés en ridicule comme jamais. On peut citer en vrac : une administration romaine ubuesque dans un passage annonçant « la maison qui rend fou », l'une des épreuves du film Les Douze Travaux d'Astérix qui sortira en 1976 ; les déconvenues du centurion Hotelterminus et de l'instructeur Belinconnus, épuisés par les bons tours que leur jouent les nouveaux conscrits dont ils ont la charge ; le cafouillage des légions romaines se battant contre d'autres légions romaines… En ajoutant les réactions à mourir de rire de nos disparates apprentis légionnaires venus de cinq pays différents, l'humour est ici porté à son plus haut niveau.

Ce 10e album est une fois de plus un sans-faute, le niveau de la série est assurément abonné au Top, « avec un "T" comme Timeo Danaos et dona ferentes »…
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