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Critique de Nastasia-B


C'est toujours avec grand plaisir qu'on se plonge dans un recueil de mini-essais de Stephen Jay Gould. On ne sait qu'une chose, c'est que découvertes et surprises seront au rendez-vous.

Ici, l'ouvrage ne déroge pas à la règle : le titre — traduction osée et intéressante mais quelque peu fallacieuse de l'original " Hen's teeth and horse's toes " — évoque le fait que des vestiges d'évolutions antérieures sont toujours perceptibles de nos jours chez à peu près toutes les espèces, en l'occurrence ici, les gènes codant pour les dents chez les poules (et tous les autres oiseaux) du temps où celles-ci étaient des dinosaures ordinaires ainsi que les embryons de doigts latéraux qu'on peut encore déceler sur un squelette de cheval, témoins d'une époque où les chevaux étaient polydactyles.

Je vous conseille également l'essai intitulé " l'anneau de guano " (photo de couverture) où Stephen Jay Gould nous fait toucher une réalité évolutive qui va à l'encontre des sociobiologistes (comme Richard Dawkins, par exemple ou Edward O. Wilson) qui pensent un peu trop en termes de " tout adaptatif ".

Qu'en est-il ici avec le fou à pieds bleus qui vit sur les rochers désolés de l'archipel des Galapagos ? le couple reproducteur délimite au moyen de ses fientes un anneau de couleur blanche (qui tranche avec le brun-noir de la roche mère volcanique) au centre duquel il dépose son oeuf.

Les siècles d'évolution ont sélectionné un comportement, ma foi, fort simple pour assurer son succès reproductif, à savoir, tout rejeton situé à l'intérieur de l'anneau est choyé et nourri, tout rejeton situé à l'extérieur de l'anneau se reçoit un bon coup de bec des familles.

L'appareil neuronal nécessaire à l'élaboration d'un tel comportement ne semble pas très complexe et l'efficacité, redoutable, d'où sa sélection. Cependant, si par malheur l'infortuné poussin se retrouve " poussé " hors de l'anneau, il se fait arroser la tête de coups de becs par ses propres parents jusqu'à ce que mort s'ensuive. L'intérêt adaptatif pour les parents semble ici plus douteux.

La leçon de Gould est que chaque comportement vient avec " un paquet " d'autres. Certains sont tellement intéressants d'un point de vue évolutif qu'ils sont sélectionnés mais entraînent dans leur sillage d'autres comportements qu'il est vain de chercher à expliquer avec pour seul critère le fameux rapport coût/bénéfice des sociobiologistes.

Outre ces essais, je vous conseille également l'essai sur Karl Pearson, père du célèbre coefficient de corrélation, et au passage antisémite notoire. J'ai particulièrement savouré aussi sa trilogie du zèbre avec notamment celui intitulé " C'est quoi un zèbre ? " et l'autre " Comment les rayures viennent aux zèbres " évoquant cette douloureuse question de savoir si les zèbres sont noirs rayés de blanc ou blancs rayés de noir ?

Laquelle question ne recevra pas, dans l'imaginaire collectif, la même réponse selon que vous serez un européen blanc ou un africain noir. Or, les natifs du sol africain détiennent la bonne vision (par hasard, il est vrai, mais tout de même).

Gould nous sensibilise aussi au rôle majeur du développement embryonnaire dans la compréhension de l'évolution de même qu'aux avatars de la génétique, voir par exemple l'essai intitulé " Les monstres prometteurs ".

La partie la moins intéressante du recueil, à mon goût, est celle destinée à " prouver " la véracité de l'évolution, activité qui peut nous apparaître comme un enfoncement de portes ouvertes de ce côté de l'Atlantique mais que l'on comprend si l'on resitue ce livre à sa date de parution, en plein dans les années Ronald Reagan et son retour au religieux et au créationnisme. (Gould se battra avec encore plus de véhémence contre les créationnistes dans le recueil suivant le Sourire du Flamant Rose.)

Donc, je conclus en me prononçant encore très satisfaite de ce troisième recueil de " réflexions sur l'histoire naturelle ", mais toute cette glose n'est que mon avis de poule, c'est-à-dire, pas grand-chose tout pendant que mes dents se refusent à pousser.
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