AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Matatoune


Grand amateur d'art, Patrick Grainville se penche avec Les yeux de Milos dans l'univers de Picasso à partir de l'été de 1937, année de Guernica. Parce que le peintre était fasciné par la Vénus de Lespugne, une des plus célèbres représentations féminines du paléolithique, l'auteur crée par ce nouveau roman un pont entre l'Abbé Breuil, célèbre archéologue qui a découvert l'art pariétal, Nicolas de Staël peintre génial mais éphémère et le « Géant gênant » du 20è siècle.
Le procédé littéraire est habile. Un jeune homme Milos dont l'éclat surnaturel de ses pupilles plonge celui qui s'y noie dans une violence destructrice, évolue au coeur de tous ces univers à partir de la ville d'Antibes, où Picasso et sa bande de partouzards ont passé un si bel été et où Nicolas de Staël s'est suicidé après avoir constaté l'indifférence de son nouvel amour. Milos promène son regard de braise pour triturer les histoires et les oeuvres et déconstruire les mythes au fil de ses amours.
La démesure verbale de Patrick Grainville entraîne le lecteur vers un lyrisme enflammé de trouvailles poétiques où les mots s'entrechoquent et les images prennent vie. C'est beau, mais c'est drôle aussi. Ce décalage heureux apporte des respirations bienvenues face à ce texte érudit et dense.
Patrick Grainville trouve avec l'histoire de son ogre, un héros à sa démesure donnant corps à la sexualité de Milos. Sauf que son jeune héros, pas moins ni plus macho que d'autres, trouvent auprès de femmes indépendantes et affirmées le réactif à ses contradictions.
Car pour Picasso, minotaure pictural, ce n'est pas le même constat. Perversité est la conclusion que j'affirme après la découverte de sa vie tel que Patrick Grainville la relie à ses oeuvres ! Car son harem prend des allures de tour de France du compagnonnage du sexe. Picasso apparait en véritable mante religieuse masculine, sauf que lui, il nourrit mal ses petits ! Lui, l'homme qui semblait douter de rien, l'homme sûr de son destin et de sa force créative était quand même un fieffé pervers. Pour cela et tant d'autres points, je recommande cette exaltante lecture !
Pour aller plus loin :
Patrick Grainville présente ainsi les figures artistiques de son roman : Obsédé d'érotisme, de femmes, de sexes, Picasso a vampirisé ses amours pour la grandeur de son art et ceci jusqu'à leurs morts.
Plus nobles sont les failles d'un Nicolas de Staël qui s'abime dans son insatisfaction perpétuelle. Relié à l'amour comme un naufragé à sa bouée, il s'embrase si le feu s'atténue.
Alors que l'Abbé Breuil, lui, semble ravaler sa sexualité dans la découverte de l'être préhistorique !
Le bleu des yeux de Milos rappelle l'importance de cette couleur primaire dans l'art : bleu du lapis-lazuli, bleu des rois de France, bleu spirituel du Cavalier Bleu, mais aussi comme le souligne Patrick Grainville le bleu cobalt de Turner, de Renoir et Van Gogh, le bleu de Dufy et enfin, le bleu de Nicolas de Staël. Et l'explication à la toute fin du roman donne corps à ce bleu du regard si impressionnant !
Le propre du propre de l'homme reste, affirme Patrick Grainville, de rire de sa propre mort. Alors, des premiers galets gravés aux voyages intersidéraux, l'auteur affirme la force de l'amour comme pied de nez aux ténèbres obscures, l'art et la création en assurant un possible sinon indispensable chemin. Magnifique roman où mon immersion dans la documentation fut nécessaire (mais pas du tout indispensable, au contraire) pour mesurer tout le talent de l'auteur.
Remerciements
Merci à @Seuil et @Babelio avec sa Masse critique particulière pour #LesYeuxDeMilos de @patgrainville
https://vagabondageautourdesoi.com/2021/01/02/patrick-grainville-les-yeux-de-milos/
Lien : https://vagabondageautourdes..
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}