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Critique de Zoeprendlaplume


Ça a très mal commencé. Pourquoi ? Parce que la narration au «je» et au présent n'est pas ma tasse de thé. Ajoutons à cela un paquet d'anglicismes et d'abus de langage courants tout au long du texte.
Mais concernant la question de la narration, j'ai compris ensuite le pourquoi du comment. En fait, tout se passe comme si Thinking Eternity était une sorte de témoignage a posteriori de ce présent. Je n'en dis pas plus, et vous laisserai découvrir ce qu'il en est réellement, parce que cela apporte aussi du sens dans le roman. de ce fait, j'ai fini par adhérer à cette construction et aux choix narratifs correspondants, trouvant cela finalement assez logique.
Quant à la question du registre de langage, il y a la théorie et les dictionnaires, et la réalité. A partir du moment où le but est de retranscrire une époque, il est assez logique là encore de trouver les tics de langage associés à cette époque. J'ai donc là aussi fini par m'y faire.

Thinking Eternity est un roman assez addictif; sa forme et sa construction accroissent la vitesse de lecture. Ce qui est plutôt bien joué, parce que si l'intrigue comporte des temps forts très marquants, elle a aussi des creux, notamment au coeur du roman. Celui-ci se divise en trois parties : savoir, agir et mourir. Pourtant, j'avoue avoir trouvé le temps un peu long en plein milieu. Mais comme ça se lit vite, ça ne traîne pas trop longtemps.

On est donc dans un roman qui se rapproche du thriller, avec ses ingrédients habituels : complots, cadavres par ici, espionnage par là, scènes de baston et de poursuite, suspense et tension narrative, fausses pistes et secrets dissimulés à découvrir… On est efficacement tenu en haleine tout au long du bouquin.
Ce qui est assez génial, c'est qu'on n'est jamais perdu. L'auteur intègre en effet ce qu'il faut comme infos pour qu'on sache où/quand on est, qu'on comprenne les enjeux, les personnages, les tensions, les rapports de force etc. Tout cela sans rogner sur l'intrigue et avec une belle efficacité dans la prose. Jamais rien de compliqué, des phrases directes, sans surplus ni fioritures. Bref, net et précis.

Thriller, donc; un thriller bio/cyber/technologique. Je ne sais pas exactement comment le qualifier, tant le roman explore beaucoup de domaines.
Transhumanisme, d'abord. Et très intéressant de voir comment l'auteur imagine la manière dont la société future va s'adapter à ces changements majeurs. Réflexions éthiques, mais aussi politiques dans les gouvernements et comités de médecine, établissement de normes (un fléau de notre époque, ça, les normes), débats publics, emparement du sujet par les médias…
Parallèlement à ce sujet se pose forcément celle de l'individu. Question maintes et maintes fois posée et reposée dans les romans de SF qui abordent le transhumanisme : où commence et où finit l'humain ?
Poussé par la désillusion et la perte de sens et de foi dans son métier, Adrian se détourne de la science actuelle et de ses «progrès». Ainsi, il élabore un nouveau discours sur la science, qu'il veut mettre à la portée de toutes et tous. Ce faisant, l'auteur évoque en creux tout le mouvement de la culture libre (une sorte de Wikimedia version XXL; j'ai trouvé passionnante la manière dont l'auteur décrit le déploiement de ce mouvement).
Mais surtout, Adrian devient effectivement une sorte de nouveau gourou, comme le monde contemporain les aime.
Alors forcément on dévie sur un discours sciences et religion, lui aussi déjà maintes fois traité, est bien mené ici. Surtout, il fait écho à notre monde contemporain, ce qui permet au lecteur d'associer des éléments de la fiction au réel. Sous couvert de SF et d'anticipation, c'est encore une fois une transposition de notre monde actuel qui se donne à lire ici.

Le sujet qui m'a le plus bluffée ici concerne les IA. Là encore, sujet plus que vu et revu, et au coeur de pas mal de bouleversements qui se profilent dans notre quotidien. Finalement, au bout, la question reste la même que celle du dessus : où commence et où finit l'humain ? L'IA peut-elle remplacer l'humain ou celui-ci possède-t-il des spécificités qui ne pourront jamais être gérées/produites par une machine ? La machine peut-elle dépasser son créateur ?
Ce que j'ai trouvé néanmoins génial dans Thinking Eternity c'est que l'auteur emprunte, pour poser et répondre à ces questions, des chemins auxquels je ne m'attendais pas.
L'auteur a su brouiller la frontière entre humain et machines en faisant par exemple s'interroger celles-ci sur des thématiques même pas encore résolues par les individus (le droit à disposer de sa mort, par exemple). L'auteur va même plus loin en mélangeant IA et humains. Une fois acté que l'humain est dépassé, il n'est plus question de faire une IA calquée sur l'humain mais l'inverse : capacités augmentées greffées dans les humains pour égaler la machine, transvasement de la conscience dans la machine… J'ai eu un vertige similaire à celui que j'avais ressenti en regardant l'excellente série Pantheon qui aborde aussi ces sujets-là.

Mais dans le fond, toujours l'humanité quand même
Et je me suis fait la réflexion que ce que je préfère, dans les romans de SF qui abordent ces thématiques-là, ce n'est pas tant leur capacité à être visionnaires sur les technologies mais plutôt la manière dont ils envisagent l'humain de demain et comment il va vivre avec ces nouveautés. Quel accueil ? Quelle adaptation ? Est-ce que nos limites éthiques actuelles seront les mêmes demain ? Est-ce que ces IA vont changer nos perceptions, notre façon de vivre ensemble, nos valeurs ? Et est-ce qu'on aimera, détestera, rejettera… les choses et les autres de la même façon ? Je trouve ces questions-là beaucoup plus difficiles à aborder mais elles me passionnent davantage, ce qui fait que j'ai beaucoup apprécié ce roman et n'hésiterai pas à lire les deux autres du même univers.
Lien : https://zoeprendlaplume.fr/r..
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