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Critique de candlemas


Je remercie vivement les éditions Mnémos pour l'envoi ce très bel ouvrage, agréable à feuilleter et très joliment illustré par Matteo Bassini.
Etrange nouveau roman que produit là Pierre Grimbert, en tous cas pour le lecteur de fantasy peu aguerri que je suis. Avant de plonger dans cette lecture, peut-être aurais-je dû mieux étudier la couverture noire et sang, qui nous prépare au pire.
Dans les premiers chapitres (chapitres tous courts et incisifs) , les lecteurs du Secret de Ji pourront comme moi se croire à nouveau immergés dans un univers fantasy somme toute assez classique, voire dans la caricature d'un maître de jeu de rôles peu imaginatif : des héros désignés par les peuples de la terre partent explorer une montagne sacrée pour sauver le monde. Chacun est doté d'aptitudes plus ou moins magiques (à grand renfort de drogues et d'arnaques), les amitiés et inimitiés se nouent, et la petite troupe s'ébranle mollement à l'assaut de la montagne mystérieuse...
Mais que nenni, lecteur ! Point de belle chasse au trésor juvénile, pleine de bons sentiments et de hauts faits d'armes à conter devant les cours !
A mesure que les monstres, qui pourraient confiner au grotesque s'ils ne symbolisaient pas nos peurs les plus ancrées, s'abattent sur les héros tombant comme des mouches, le roman se révèle : plus dark, plus science fiction, plus profondément et morbidement dérangeant , écho de ce début de XXIème siècle d'incertitude.
Les héros n'en sont pas : entre bravoure et ridicule, ils ne sont que les sacrifiés fantoches d'une humanité qui se cherche, entre passions superficielles et mesquineries sociales. L'aventure se poursuit pleine de rebondissements... de pierres qui roulent froides et inexorables au fond de l'abîme. Triste répétition, où les héros-sisyphes s'agitent comme des mouches sur leur ruban collant.
Le véritable personnage principal s'impose alors, avide (?) ou buvard inerte du sang des parangons : le gouffre infernal, racine de la montagne est à la fois caverne originelle et psychanalytique , et sinistre vortex du futur.
D'où vient-il, où nous mène-t-il ? Faut-il l'idolâtrer, négocier, le combattre ? A-t-il seulement une volonté propre ? Un seule certitude : l'humanité peut périr. C'est au fond du désespoir le plus complet que les parangons trouveront la réponse à leurs questions, et aux nôtres. Pas celle que l'on attendait bien sûr...
Pierre Grimbert met à nouveau sa plume alerte au service de réflexions personnelles sur le sens -ou non-sens- de notre réel quotidien et rassurant. Exploitant avec brio les astuces d'une fantasy convenue qui habituellement nous évade, il nous ramène avec sévérité et roublardise à la rude responsabilité de nos actes, vis à vis de nous-mêmes, de nos semblables, et de la terre qui nous porte, et en même temps à l'inanité de nos intentions, devant une impermanence où nous pesons poussière.
Un ovni de science fiction et et dark fantasy, déstabilisant, agaçant, dérangeant... le genre de roman que l'on referme avec un goût amer et ferrugineux dans la bouche.... impossible donc de lui attribuer un joyeux emoji... ni même 4 étoiles, tant est grand le ressentiment de l'innocent désillusionné ; mais force est de saluer l'implacable efficacité du (dé ?) mystificateur : ouvrez les yeux, mortels ! ça fait mal , mais on en redemande.
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