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Critique de boudicca


Cela faisait bien longtemps que le nom de Pierre Grimbert ne s'était pas retrouvé en gondole des librairies. Vingt ans après le succès de sa série « Le secret de Ji », le voilà qui signe son grand retour chez Mnémos avec un one-shot qui lorgne à nouveau plutôt vers la fantasy épique. le roman met en scène un monde crépusculaire dont les habitants s'inquiètent de la probable disparition à court terme. Les catastrophes naturelles s'enchaînent, et il est à craindre qu'une secousse plus puissante que les autres ne vienne définitivement à bout de toute trace d'humanité. La gravité de la situation est telle que tous les dirigeants du monde sont parvenus à se mettre d'accord pour tenter le tout pour le tout, en misant sur une action collective. Chaque nation a ainsi désigné un ou une représentant.e, des « parangons », qui ont accepté de participer à une expédition périlleuse visant à demander la protection des dieux dont on prétend qu'ils résident au coeur d'une montagne sacrée où tous se sont rassemblés. Ils sont quarante-et-un à avoir été ainsi désignés et exercent des positions aussi variées que souverains, religieux, guerriers, érudits et même voleurs et mendiants. Tous ont bien conscience de l'importance de leur mission, mais aussi de sa dangerosité, puisque les précédentes expéditions, composées exclusivement de guerriers, se sont soldées par des échecs, comme le témoigne la montagne de cadavres qui s'entasse au pied de la montagne. L'auteur pose succinctement les bases de son univers dès les premières pages, avant de nous plonger presque immédiatement au coeur de l'action. Consacrée à la pénible progression des parangons sous la montagne, l'intrigue pourrait, à première vue, paraître quelque peu monotone compte tenu de la simplicité du décor et de l'enchaînement prévisiblement répétitif des péripéties (une nouvelle salle / des monstres / des morts). Or le roman est bien plus riche que ce que laisse présager cette trompeuse première impression. D'abord parce que le récit est mené tambour battant : on ne s'ennuie pas une seconde, les rebondissements s'enchaînant à une vitesse folle qui encourage à pousser toujours plus loin la lecture, et ce d'autant plus que les chapitres sont la plupart du temps assez courts.

Ensuite, parce que le roman repose sur un procédé narratif original qui consiste à changer de narrateur à chaque chapitre (ce qui est courant) pour ensuite ne plus jamais adopter à nouveau son point de vue (ce qui l'est moins). Par ce procédé audacieux, Pierre Grimbert nous permet de nous familiariser avec un nombre considérable de personnages pour un roman aussi court, en donnant à chacun l'occasion d'occuper le devant de la scène à un moment ou un autre. Pas de figurants donc, ou très peu, mais une multitude de protagonistes que l'on découvre une première fois avant de ne les retrouver que par le regard d'un autre membre de l'expédition. Bien que déroutante dans un premier temps, la plupart des personnages présentés dans les premiers chapitres s'étant révélés prometteurs, la technique permet de mieux rendre compte des dynamiques collectives ainsi que de mieux cerner la diversité des profils et des objectifs de chacun.e. Car si l'expédition elle-même semble à priori reposer sur des motifs philanthropiques, certains ont bien l'intention de profiter du voyage dans lequel ils ne se sont pas engagés sans arrière-pensées. Les profils des personnages sont variés, et c'est aussi ce qui fait le charme du roman. Certes, la plupart peuvent paraître parfaitement stéréotypés : le voleur indigne de confiance, le chevalier rigide, la guerrière bad-ass, sans oublier l'archer, le souverain avide de pouvoir, le traître, le dévot fanatique, la pisteuse… Tous bénéficient néanmoins d'une personnalité fouillée, ce qui permet à l'auteur de jouer avec le cliché tout en le contournant habilement. le choix de ne pas mettre en avant que des guerriers/guerrières, mais aussi des profils plus atypiques comme l'érudite, le voûtier, la chanteuse ou encore la négociante, est également à saluer car il permet au lecteur de prendre un peu de recul sur l'action. Celle-ci reste néanmoins omniprésente, notamment par le biais de scènes de combat contre des créatures toutes plus écoeurantes les unes que les autres. La succession de mauvaises rencontres qui rogne peu à peu sur les effectifs de l'expédition participe évidemment à accentuer l'ambiance oppressante du récit. On se trouve en effet pendant la quasi totalité du texte sous terre, entouré d'insectes grouillants et menaçants, dans un environnement qui semble vivant et dont on ne comprend pas les intentions, si bien qu'on ne peut empêcher une sensation de claustrophobie de nous envahir par moment. La conclusion de l'histoire est satisfaisante, ni frustrante ni décevante, mais à la fois surprenante et, après réflexion, parfaitement adaptée.

Pierre Grimbert revient sur le devant de la scène des littératures de l'imaginaire avec un nouveau roman de fantasy épique captivant qui séduit autant par son sens du rythme et le côté spectaculaire de ses scènes de combat que par la qualité de ses (nombreux !) personnages. Claustrophobes et entomophobes s'abstenir !
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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