Le titre l'annonce, l'objet, ou plutôt le sujet de ce récit autobiographique est
un secret familial,
un secret comme seules les familles en portent. Lourd, culpabilisant sans qu'on sache pourquoi, tétanisant, pesant comme une chape de plomb sur les épaules de leurs membres, qui ne peuvent s'en libérer et commencer à vivre pour eux-mêmes qu'en le perçant à jour, pour le meilleur ou pour le pire.
Quel est donc le secret de
Philippe Grimbert ? Au début rien n'est dit clairement, tout est elliptique. Quelques indices cependant : le narrateur est né peu après la 2ème guerre mondiale, et son père Maxime a fait modifier leur nom de famille pour qu'il soit moins « remarquable ». Un M pour un N, un T pour un G, et la « tache originelle » est effacée. Ensuite on apprend que le petit Philippe a une santé fragile, qu'il distingue confusément la déception dans les yeux de son père, qui rêvait d'un fils à son image, beau, athlétique, sûr de lui, un dieu du stade. Mal aimé, solitaire, oppressé déjà par ce secret dont il ignore pourtant l'existence, le jeune garçon s'invente un grand frère, son exact opposé, celui que son père aurait voulu.
Difficile d'en dire plus, sinon que c'est par Louise, amie de la famille et infirmière, que les révélations arriveront des années plus tard, dans une 2ème partie de récit plus descriptive, où l'histoire de Maxime et de ses proches rencontre l'Histoire, avec pertes et fracas.
Roman court, poignant, tragique, tout en sobriété et en mélancolie, ce récit a certainement eu une fonction cathartique pour son auteur, devenu psychanalyste. Lui au moins a réussi à se dégager du carcan du secret, et porte désormais en lui la vérité, en toute liberté.