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Critique de Alfaric


Difficile de résumer le bouquin tant il est déjanté : Jeanne la papesse lesbienne a joué au Robin des Bois numérique avec les comptes cachés de Vatican avant de se faire assassiner… et le cardinal mexicain Santo Duque, digne héritier de Richelieu, engage son protégé Axl Borja, ancien enfant mercenaire sauvé de la peine de mort à 94% par le public de l'émission d'"Ange ou Salaud ?" après avoir massacré un cadre supérieur pédophile, de retrouver la trace du magot dérobé avant que le FMI, de véritables vautours humains comme IRL, ne déclare l'Italie en faillite et ne mette en place son racket à grande échelle habituel…


Durant la mise en place quelque part entre Quentin Tarentino et Robert Rodriguez (je m'attendais à voir débouler Machete à tout moment) nous suivons les déboires judiciaires d'Axl Borja, les déboires financiers du Cardinal Santo Duque, tandis que le père Sylvestre amène Mai, la prostituée adolescente japonaise, sur la station spatiale Samsara et que le Colt Linux (version arme à feu de Stormbringer) est en cavale…
La 2e partie est plus calme : le récit se pose, le rythme ralentit et on peut s'immerger dans l'ambiance miséreuse d'un Tibet orbital géré par un dalaï-lama opportuniste et une IA bouddhiste. La manière dont Axl parvient à retrouver l'objet de sa mission est vraiment un peu forcée. Par contre, la rencontre avec momaDef et Defmoma (doit-on lire death ?) est bien marrante car faisant référence à la confrontation entre James Bond, Bambi et Perle Noire dans "Les Diamants sont éternels".
La 3e partie est une partie de cache-cache et de poker menteur entre Axl, Kate et Emilio accompagné de ses bidasses onusiens sociopathes. Les péripéties sont un peu plan-plan ou un peu foutraque si on ne comprenait pas rapidement que le premier qui dégaine est mort car ils sont tous sous la surveillance de Tsongkhapa, une IA pacifiste qui les écraserait à la 1ère incartade. Mais comme Axl est un junkie avec des sentiments, les svenneries débarquent tôt ou tard… (ceux qui ont lu les "Aux'" comprendront ^^)

Le concept de la carte son cérébrale qui compose la bande-sonore de votre propre vie tombe un peu à plat (sauf à la fin où…), comme celui des implants oculaires modulable à volonté.
Le flingue a une crise existentielle et passe de John Wayne viril à Richard Gere humaniste. Bref il est victime du karma et se réincarne en Rinpoche : c'est assez WTF !
Mais je pardonne à l'auteur car il nous offre la rencontre émouvante entre 2 paumés évadés des "Oiseaux se cachent pour mourir" :

Oui il y a des scènes de cul, mais là où chez un Richard Morgan elles ne servent aux personnages qu'à tirer leur coup, chez Grimwood elle servent souvent à effleurer l'intime personnalité des personnages.

Le gros problème c'est qu'on sent des lacunes récurrentes dans la narration.
D'un côté des éléments sont spoilés très tôt dans le roman, d'un autre côté des éléments ne sont accessibles que très tard dans le roman, du coup on reste dans le flou artistique pendant pas mal de temps sans parler de trucs mal fagotés qui sentent presque les coupes au montage.
Les résurgences mémorielles permettent de recomposer le passé d'Axl et de la papesse Jeanne. Cette dernière a divisé l'humanité entre ceux qui veulent la canoniser et ceux qui veulent la condamner pour crimes financiers et crimes contre l'humanité (le premier étant évidemment le plus grave dans un univers où l'argent est roi). Quant à Axl, il passe du statut de cyberjunxie cinglé à celui de Foutu Au Berceau condamné à une Vie de Merde. Toutes ses addictions n'existent que pour oublier la vacuité de son existence et son immense désespérance : j'ai vraiment eu pitié pour lui...

Pourquoi Axl n'obéit-il pas aux ordres ?

Mais a fait assassiner la papesse Jeanne ?

Et on ne sait pas vraiment quel est l'objectif du Richelieu « mexicain » qu'est le Cardinal : (car au final les commandos des Nations-Unies ne sont là que pour court-circuiter ses plans)


Il y a plusieurs niveaux de lecture dans ce roman qui nécessite de brancher ses neurones pour y accéder :
- le thriller déjanté rodrigo-tarentinien
- l'univers cyberpunk :
les gadgets technologiques sont tous plus délirants les uns que les autres, c'est 100% fun et les astuces des mégacorporations pour lobotomiser les gens et faire plus de pognon sont affreusement géniales : les rails de cocaïne piégés aux nanites tueuses, les paradis fiscaux orbitaux panaméens, les banques islamiques et les organismes de charité chrétiens qui se livrent une cyberguerre économique, les OPA hostiles oecuméniques, mais aussi les hôtesses de l'air relookées en fées bioélectroniques de 20 cm pour tenir dans l'accoudoir des sièges…
- l'univers uchronique : il faut recoller les morceaux pour trouver le point de divergence (ici la victoire de Napoléon III sur la Prusse)
- les luttes d'influences entre grandes puissances : c'est plus ouvert que flou, à vous d'imaginer qui veut quoi dans ce monde de merde (le futur n'est jamais aussi flippant que lorsqu'il ressemble au présent)
- les luttes des classes : une réflexion sur l'exploitation de l'homme par l'homme qui n'existe que parce que les gens de bien ne font rien… ou que les gens de bien ne sont pas assez nombreux pour s'y opposer (pas sûr que les lecteurs acceptent de se faire ainsi montrer du doigt !)

Après une mise en place survitaminée, je suis resté sur ma faim faute d'action sur Samsara.
Le gritty style est très plaisant, l'imagination est débordante, les réflexions sont intéressantes (le clonage, les IA, les médias prestitués, le consumérisme lobotomisateur...) , les personnages suscitent la sympathie, on sent beaucoup de générosité, beaucoup de sincérité… et le fils caché de Gibson, mais le roman est inabouti voire maladroit. Toutefois le livre est plutôt court et le fun est vraiment au rendez-vous ! le reste de la bibliographie fait quand même envie…

PS :
Maintenant je comprends pourquoi dans la série les "Aux'" écrit par l'auteur sous un pseudo, Sven parle de Morgan comme d'un gros con car Richard Morgan critique le système mais montre qu'il faut faire avec parce qu'il n'y pas d'autres alternatives à part les cocos (bref on tombe dans le TINA thatchérien conservateur), alors que Jon Courtenay Grimwood montre que même les plus paumés peuvent dire non à la fatalité de la pourriture et faire un fuck au système (bref on tombe dans l'altermondialiste progressiste).
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