Bande de connards ignorants, si vous saviez les efforts de concentration qu’il doit déployer pour se mettre à notre niveau. Quand il cherche ses mots et diffère ses réponses, c’est qu’il compose en temps réel avec ses voix et le flot de pensées que ça génère. Vous avez déjà essayé de répondre à quelqu’un avec un casque audio sur les oreilles, volume à fond ? Faites le test.
Pour rien au monde je n'échangerai ma ligne de fuite pour une ligne de conduite toute tracée.
je viens probablement de mettre le doigt sur la raison du pourquoi. Si sa première réaction a été de me balancer un «non» catégorique quand je lui ai proposé ce projet d’écriture à deux, c’est peut-être que mon frère a passé un accord tacite avec les voix qu’il entend et qui lui interdisent de révéler leur existence à quiconque.
Cinq ans que je vis dans mon appartement parisien. Cinq ans que je n'ai pas défait mes cartons.
M'ancrer dans le réel, investir davantage ma vie, pour quoi faire ? Pour rien au monde je n'échangerai ma ligne de fuite pour une ligne de conduite toute tracée. Je la conserve précieusement, comme une illusion de ma liberté. Elle est mon garde-fou. Et Dieu merci, elle tient bon. Dans l'incapacité ou le refus de se projeter en avant, voilà donc notre quête à Thibault et moi : faire de l'instant présent le but ultime de la vie. Pour beaucoup, ce pourrait être ça la folie. Pour nous deux, rien ne vaut d'être physiquement cloués sur place, et spirituellement transportés ailleurs.
Thibault, lui, annonce à notre mère : « J'ai plus envie de vivre. Ça dure encore combien de temps ? »
Ca fait toujours bizarre d’avoir des visites de l’extérieur. Quand ils s’en vont, ils emmènent mon grand vide avec eux. Et Quentin, ce rat comme à son habitude, à réussi à s’éclipser avec mon feu. La dernière chaleur d’espoir qui restait à votre humble narrateur. Et c’est ainsi que, sans ce briquet, s’éteignent les lumières de ma raison
À quoi bon s’unir proche de la reliure si ces pages partagées ne retiennent pas l’inspiration qui fait de nous des frères aimants.
Porte ouverte, mon frère, je la traverse avec toi.
Si je mettais un point d'honneur à vouloir te protéger des dangers du monde, la vérité, c'est que j'étais agité. Trop agité. Je ne tenais pas en place. Et, dans l'intimité de nos rapports, qui pouvait te protéger de moi?
Mais j’ai pris goût pour les gens qu’on appelle « les fous », et même développé une certaine forme de passion pour la folie que j’ai recherchée par la suite chez des poètes.