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Critique de fanfanouche24


Le 28 septembre 2021-
Gros coup de coeur (accompagné d'une avalanche de colère, au vu du sujet indigne d'une société…quelle qu'elle soit !)

Une flânerie inopinée à la librairie Mémoire 7, à Clamart, m'a fait dénicher ce roman , lu dans la nuit, avec moult émotion, le coeur battant …Lecture marquante qui s'ajoute à celles de Marie Rouanet « Les Enfants du bagne » et d'Ariane Bois « L'Ile aux enfants"...

La phrase introduisant ce roman formule la quintessence de ce double récit : « Pour écrire ce roman, j'ai enquêté sur le drame qui s'est produit en 1866 dans un pénitentier pour mineurs de l'île du Levant ; la troupe d'adolescents que j'y ai rencontrée était le miroir d'une autre bande dont je faisais partie dans les années 90. Deux époques , deux rebellions, deux histoires vraies. «

L'auteure que je lis pour la première fois a capté d'emblée mon intérêt et par un style des plus vifs, et par les sujets traités : la Jeunesse à travers deux bandes de copains à 100 ans de décalage… Ce groupe de gamins abandonnés, relégués dans ce pénitentier de l'île du Levant, et cette bande d'adolescents dans les années 90, (dans le Sud, à proximité de ce bagne) à laquelle la narratrice appartenait… Même si ce n'est guère comparable, restent les drames, les tragédies de jeunes, d'adolescents , qui dans leur quête universelle ne veulent surtout pas ressembler à leurs parents, et aux adultes en général…

La narratrice, l'auteure , entre les deux confinements, se souvient de sa bande de copains et surtout lui revient en mémoire, un incident paraissant anodin, qui va réveiller un déclic pour des recherches et ce livre à venir…imprévu : un de leurs copains, à qui ils avaient fait une plaisanterie (ils lui avaient fait croire qu'ils se retrouvaient tous au cours d'histoire, dont pourtant ils redoutaient la prof, profondément ennuyeuse) ; il les retrouvent furieux à leur point de ralliement habituel, s'étant retrouvé tout seul, cependant ébranlé et inexplicablement intéressé par le cours d'histoire où justement il était question de ce Bagne d'enfants …

Ce souvenir va impulser la curiosité de l'écrivaine pour faire des recherches sur ce lieu et l'horrible drame s'étant déroulé, tout en rendant une nouvelle vie à cette bande de copains, qui lui a été si chère et essentielle. Elle fait revivre leur jeunesse, leurs colères, leurs rebellions, leurs farces, leurs provocs… leurs joies et chagrins partagés !

Le récit alterne entre les deux périodes et narre les désespoirs, les joies aussi de ces très jeunes… en construction ! Ce récit exprime avec la plus grande énergie le scandale de ces bagnes d'enfants… et je ne peux pas oublier une découverte bouleversante à Belle-Ile en-mer où j'allais avec mon mari, en hiver, chaque année…pour un éloignement dans des paysages marins désertés , magnifiques… et lors d'une marche sur les chemins côtiers, nous « tombons « sur des ruines qui m'intriguent , j'interroge les îliens, et me frotte à une gêne certaine… Je finis par découvrir que ce fut un bagne d'enfants et le dernier à être supprimé, en 1977 !!!

« Ce langage de la justice mêlé à celui de l'enfance et un bien triste linceul et jamais il n'aurait dû se rencontrer.
Mais, si le monde enfantin et le monde carcéral se font face dans son tribunal, c'est le champ lexical tout entier qui est remis en question, et, dans ces cas-là, la faute viendrait de plus loin, sans doute du système.
Récréation et cachot ne peuvent pas tenir dans une même poésie, tout comme l'eau et le feu, et pourtant c'est le cas. Quand deux langages s'entrechoquent, c'est une mort annoncée. En attendant que les mots puissent s'accorder entre eux, ou alors que chacun reprenne sa place, c'est égal. (p. 151) »

Un texte qu'on ne peut pas lâcher… on s'attache à tous ces jeunes, ceux du Bagne comme ceux appartenant à l'adolescence de l'auteure, jusqu'au juge, personnage bienveillant , compréhensif, mais dépassé par une justice , lui paraissant brutalement « inhumaine » et hypocrite !!

Il doit assurer le procès des gamins-assassins ; il se sent enragé et impuissant face à un système inique, fabriquant de la barbarie et de la violence, par ses dérapages , dont celles sévissant dans les institutions dites « de redressement ou de correction » qui ont sévi si longtemps, et ont été honteusement utilisés comme des réservoirs de main-d'oeuvre gratuite !!

« Ce qu'ils savent faire, c'est fermer des portes, administrer des punitions, et être parfaitement idiots. Ils appliquent sans réfléchir une discipline militaire. le juge reste persuadé qu'ils ont d'autres fonctions, celles qui se greffent toujours quand la bêtise et le pouvoir sont dans la même main. »

Un ouvrage fort… qui parle d'un sujet universel : La jeunesse et les drames, désespoirs, mal-être parfois tragiques selon les contextes politiques, sociaux, économiques…sans oublier le dernier choc : la Pandémie et l'isolement contraint, les jeunes et leurs difficultés ressenties dans leur scolarité comme parfois dans leur milieu familial… que la Jeunesse soit « malmenée » et pire « massacrée » comme dans ces bagnes d'enfants, indignes, et c'est toute une société qui se trouve malade pour LONGTEMPS !

Un texte dense, percutant qui nous interpelle tous…fait mal !

Je termine ce billet par une phrase d'espoir de Jean Cocteau qu'Héloïse Guay de Bellissen a mise parmi d'autres , en exergue :
« Si le feu brûlait ma maison, qu'emporterais-je ? La flamme »
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