Le dernier inventeur

Chevaux, cerfs, biche, aurochs, bisons, félins, bouquetins, hyènes, ours, renne, oiseau, rhinocéros, ovibos, gravés, peints, aimés, adorés, tranquilles et beaux, immortels, que l’homme ne pourra pas tuer ni même le cycle naturel, en train de vivre une vie dessinée qui épouse les formes de la grotte. Devant les mômes, un monde clandestin, fantastique. L’unité entre le monde animal et humain, l’homme et la bête, l’animal et l’animalité, ensemble dans un même geste caché. (pages 95-96)

Quand j’étais môme, deux choses me semblaient nécessaires : la désobéissance et l’émerveillement.

Simon est fou de rage, il est devenu juif, mais quand ? Cette nuit ? Il s’en moque d’être juif ou non, en fait il ne sait même pas ce que c’est, ce que ça veut dire, mais ce qui l’ennuie, c’est qu’on montre du doigt son père et son magasin. (page 139)

L’homme moderne ne chasse plus pour vivre, mais son instinct de chasseur , il le retourne contre lui-même.

Jacques et Simon, ils ont toujours voulu faire mentir l’enfance. La prendre par le col, la molester, la faire briller comme une étoile pour la recracher dans le ciel. Elle leur collait à la peau, on ne pouvait rien y faire, Simon avait treize ans, Jacques quatorze, et ils voulaient balafrer l’enfance à toute blinde, pour grandir vite et bien. (pages 64-65)

Mais la grandeur absolue de l’art pariétal, c’est qu’il profite de la beauté de la roche pour s’y loger. La nature et l’homme, ensemble, dans un même but : la création. Et c’est cette fusion qui est intense.

Quand une chose est trop belle pour soi, on a envie de l’épouser, de l’embrasser, de la montrer, d’écarter le voile.

Simon a découvert la « chapelle Sixtine de la préhistoire » le 12 septembre 1940. Puis, à peine deux ans plus tard, en novembre 1942, il est interné à Drancy. Je ne sais plus quoi dire. Comment dans une même existence peut-on être considéré à treize ans comme un héros planétaire, et à quinze comme quelqu’un qu’on doit supprimer ? (page 25)

Tête en l’air, il regarde un taureau peint gigantesque, de cinq mètres de long. Les contours noirs, l’intérieur rouge, orangé et marron, il est posé sur la paroi de calcite, on dirait que l’animal vient de naître. (page 94)

Ici (à Drancy), c’est un endroit rêvé pour les cauchemars. Ils ne prennent même plus le temps de passer par le sommeil.