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Critique de Passagealest


Nous sommes en Angleterre, « près de la mer », nous sommes par l'esprit au Zanzibar, « près de la mer », mais surtout nous sommes dans le monde intérieur de deux hommes – l'un plus âgé que l'autre, tous deux solitaires et déracinés. Chacun porte en lui une bulle de souvenirs, qui se rapprochent au fil du roman, se touchent, se rendent compte qu'elles ont un passé en commun, empli de rancunes accumulées au fil des années et de deux générations.
Le présent du récit se déroule donc dans une petite ville côtière d'Angleterre, où le personnage principal, Saleh Omar – dont la voix nous accompagne tout au long des première et troisième parties du roman – vient d'arriver avec l'intention d'obtenir le droit d'asile. Parmi ses rares possessions, un coffret d'un encens rare, dont le parfum le ramène des décennies plus tôt, dans la ville marchande au bord « d'un océan vert et chaud » où il était établi avant l'indépendance. Bien qu'empreints d'un sentiment de perte qui devient plus douloureux au fil du récit, ces souvenirs sont aussi emplis de la vie de cette ville, rythmée par les vents de l'Océan Indien et par les réseaux marchands et familiaux qui rendent soudain Shiraz et la péninsule Malaise si proches.

En introduisant son deuxième personnage, Latif Mahmud, Gurnah apporte une autre vision non seulement de cette ville, mais aussi des souvenirs de Saleh Omar : les deux familles se sont connues, se sont querellées – des querelles lourdes de conséquences pour les deux générations que représentent les deux personnages. Gurnah soulève aussi, brièvement, un autre pan de l'histoire récente du Zanzibar lorsqu'il fait partir Latif Mahmud en Allemagne de l'Est avec une bourse d'étudiant. C'est un épisode court, et important pour le développement de l'histoire, qui ouvre une autre porte inattendue vers l'Afrique mais qui m'intrigue encore tant il est empli de possibilités romanesques inexploitées. Cet épisode de la vie de Latif Mahmud, et d'autres épisodes plus tardifs de la vie de Saleh Omar, sont ceux où la vie des personnages et les développements politiques se télescopent et donnent une dimension plus cruellement réelle à un récit dont les épisodes les plus lointains semblent, sinon, fixés dans un passé immuable.

Tout cela est dépeint couche par couche, au fil d'un récit qui se livre lentement, patiemment, porté par le rythme des souvenirs de ces deux hommes plutôt que par un besoin de l'auteur d'instaurer un mystère guidant le roman. Outre ce contraste entre les vies d'autrefois et la solitude du présent, c'est cette patience dans le déroulement du récit que j'ai le plus apprécié et qui a fait de By the sea ma meilleure lecture (juste devant Une affaire de femmes) de ce mois africain d'octobre.
Lien : https://passagealest.wordpre..
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