C'est le récit introspectif de deux frères qui incarnent chacun leur voie idéologique.
J'apprécie beaucoup ce mode de narration à deux voix, comme dans des livres tel que « des fleurs pour Algernon », cela permet de nous mettre face aux nuances. En cela, on pourrait aussi comparer ce livre au film « les misérables » au cinéma, car il incarne le point de vue de plusieurs parties, qui d'ordinaire ne se parlent pas.
Ce choix de structure désengage également l'auteur de parti-pris idéologique — même si l'on peut remarquer que la préférence est donnée à “
Grand frère” qui incarne la voix de raison, par opposition à celle de la radicalisation.
Sous couvert argotique, ce livre aborde des sujets essentiels : la confusion idéologique, la quête de soi, le rapport à la nation, l'amour de la famille, les racines ethniques… Dans le fond, il faut aussi remarquer que d'autres sujets viennent se greffer à celui de la radicalisation ; notamment, la critique de la société du travail et de la consommation débridée.
Dans son taxi VTC, “
Grand frère” brosse le portrait d'un monde dépourvu de sens, dont les valeurs morales s'effritent, et où seul vaut le pouvoir de l'argent…
Il s'agit surtout d'un roman à portée politique, dont la vocation est de rendre accessible l'idée de “tout niquer”, en expliquant la confusion idéologique dans laquelle est maintenue la jeunesse Arabe du pays. C'est à dire, l'écartèlement entre l'intégration à l'État Français, l'attachement aux racines du pays, et l'entretien d'une forme de frustration...
Dans la forme : l'expression “langue vivante” prend tout son sens. Car la narration incarne la brutalité du conflit, par un récit décousu et argotique.
Notons d'ailleurs que même s'il s'agit d'une fiction, elle a des accents d'authenticité ; on peut supposer que ce fut des interrogations qui ont déjà harcelés l'auteur.
C'est un excellent livre sur le mal-être qui anime une partie de l'immigration française. Goncourt amplement mérité !