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Critique de Deleatur


Lire Maupassant est toujours un bonheur, même si l'on peut considérer que Les Dimanches d'un bourgeois de Paris constitue un texte mineur dans son oeuvre gigantesque.
Difficile de dire que ce récit d'une centaine de pages constitue un roman, tant l'argument est mince : M. Patissot, commis principal au Ministère, se voit prescrire de l'exercice par son médecin. Il décide alors, chaque dimanche, « de parcourir en touriste toute cette partie de la France qui s'étend entre les fortifications et la province ». Et le voilà parti, chapitre après chapitre, dans une série d'excursions vers ce que l'on n'appelle pas encore la banlieue. Il n'y a pas d'autre fil directeur que celui-là, mais les chapitres sont souvent délicieux de férocité dans la critique sociale. Maupassant brosse comme il sait le faire des portraits ironiques et mordants, en commençant bien sûr par son petit bourgeois de héros, M. Patissot. L'auteur s'en donne à coeur joie dans la misanthropie, et verse aussi dans une incontestable mysoginie : une jeune femme accable son mari ahuri de tous les reproches imaginables, tandis qu'un épouvantable dragon tient lieu d'épouse au père Boivin ou qu'une réunion enflammée de militantes féministes bascule dans la franche guignolade. Ce pourrait être odieux si Maupassant n'avait pas son talent, et surtout s'il ne se moquait pas tout autant des hommes que des femmes, ce qui peut se voir somme toute comme une sorte de promotion de l'égalité des sexes.
Outre ses pages désopilantes, le livre possède aussi d'autres mérites : un chapitre emmène ainsi M. Patissot en visite chez Émile Zola, dans sa belle propriété de Médan. Je ne sais pas trop ce que vaut, historiquement parlant, le récit qu'en fait Maupassant mais la scène ne manque pas d'intérêt ! Qui plus est, le maître n'échappe pas au coup de griffe de l'auteur : froid et distant avec ses visiteurs, Zola ne s'anime que lorsqu'on le félicite de sa belle demeure ; soudain transfiguré, il invite à une visite complète de son domaine ceux qu'il était prêt à congédier. Maupassant en tire une conclusion cinglante par la bouche d'un personnage : « Tout général a son Waterloo, […] et tout artiste habitant la campagne a son coeur de propriétaire »... Un peu plus loin, une conversation à laquelle participe M. Patissot laisse aussi transparaître un Maupassant plus politique, où on lui découvre un penchant anarcho-individualiste, à vrai dire sans réelle surprise.
Et puis le livre présente enfin un charme indéniable : celui d'une échappée vers les boucles de la Seine juste avant que ne s'emballe le grand processus d'urbanisation de la banlieue : Sèvres, Saint-Cloud, Médan, Poissy, Courbevoie, Bezons, …, autant d'endroits verdoyants que Maupassant appelle encore « la campagne » et dont il dresse un tableau assez enchanteur. Ceux qui de nos jours prennent quotidiennement le train à la gare Saint-Lazare doivent éprouver quelques difficultés à en retrouver le charme rafraîchissant...
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