Les ossements de la terre émettront des larmes de sang, et au milieu de l'hiver, le jour se transformera en nuit profonde.
Parfois, il est difficile de voir ce qui nous crève les yeux.
Pas la peine de devenir vieux si tu ne gagnes pas en ruse.
Sache, mon garçon, que les sentiments violents s'expriment parfois par des actes violents.
- Ne vous en faites pas, je ne vous ferai pas de mal, reprit Corban, heureux de pouvoir montrer ses talents de bretteur.
Il leva son épée et, résistant à l'envie de pousser un cri de guerre, se rua sur le maître d'écurie, Suivit une série de mouvements rapides, puis Corban se retrouva à terre, de la paille agaçant son nez et ses yeux, les phalanges douloureuses.
- J'ai dû trébucher, marmonna-t-il pendant que son professeur l'aidait à se relever.
- De toute évidence.
- Corban ben Thannon, bienvenue au Champ aux Sorbiers de Dun Carreg. Puisses-tu y apprendre la voie du guerrier, et que la vérité et le courage guident ta main.
Braith régnait sur Sombrebois depuis maintenant dix ans. Il avait fait de sa troupe plus qu'une bande d'hommes sans maître détroussant les voyageurs. Il se rappelait très clairement le jour où il leur était apparu, escorté par des éclaireurs. En ce temps-là, Casalu était encore leur chef.
Braith avait été populaire dès le début. Il avait une façon de valoriser ses hommes, de les faire se sentir importants. Peu de temps après, le camp s'était scindé en deux factions, et celle des partisans de Braith n'avait cessé de croître. Casalu avait senti le vent du changement et commencé à confier à Braith des missions de plus en plus dangereuses dans l'espoir qu'il y laisse la vie, mais il était toujours revenu.
Braith avait fini par défier le chef selon la façon traditionnelle de Sombrebois : au couteau, un poignet lié à celui de son adversaire. Lorsqu'il se battait, Braith devenait un autre homme, froid, sauvage. Il avait presque décapité Casalu. Par la suite, durant ses dix années de règne, personne ne l'avait défié.
C'est mon fils, mon sang, mon cœur, ma joie, mon souffle. Personne n'a besoin de me demander quoi que ce soit. Je ferai n'importe quoi pour lui. Le protéger, combattre, mourir pour lui, s'il le faut.
Les mots pourront s'écouler lorsque mon esprit aura franchi le Pont des Épées. En attendant, je préfère laisser ma lame parler pour moi.
La poignée de l’arme s’écrasa contre sa tempe, le faisant tituber, sa vision se brouilla - puis quelque chose s'interposa entre l'ennemi et lui. Il entendit du métal siffler dans l’air. Le feulement du géant devint un cri de douleur alors qu'une plaie écarlate s'ouvrait sur sa gorge. Kastell vit Vandil repartir, aperçut l'éclair d'un sourire aux dents étincelantes, puis il disparut.