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Critique de LaDamedelaColline


Roman très intéressant, sur l'esclavage en Afrique et aux USA. On suit la destinée des descendants de 2 demi-soeurs, Effia the Beauty et Esi dont l'une se retrouve mariée à un esclavagiste, et l'autre est envoyée aux US pour travailler dans une plantation, après avoir été violée. le reproche qui a beaucoup été fait à ce livre, tant au Ciervo Blanco que sur le Net, c'est qu'il est simple dans son écriture. C'est vrai que l'anglais n'est pas très complexe. Mais comme l'a fait remarquer un membre du club de lecture, peut être que pour raconter des faits terribles comme l'esclavagisme, on a pas besoin d'utiliser des termes complexes et qu'au contraire, il est nécessaire de rester dans la simplicité. Quoi qu'il en soit, ça permet une lecture en VO plus fluide et donc d'avancer assez rapidement. Une autre critique fréquente est le saut d'un personnage à l'autre, qui ne permet pas au lecteur de s'identifier, d'être en empathie avec le personnage. Moi, j'ai trouvé au contraire que ces changements donnaient un caractère dynamique et je me suis aperçue que plus j'avançais dans les chapitres, plus j'avais envie de passer à un autre personnage, ne serait-ce que pour savoir ce qu'il est arrivé aux parents car parfois les chapitres s'arrêtent brutalement et il y a du suspens.

Un des points positifs de cette oeuvre, c'est qu'elle nous donne à voir l'esclavage sur la Côte d'Or dans l'actuel Ghana et pas seulement aux USA où on a déjà gravé dans l'esprit des films comme 12 years a slave, Free State of Jones, la Couleur des Sentiments (the Help), le Majordome ( the Butler), The Color Purple et des séries comme Underground, des bouquins comme ceux de Toni Morrison-Beloved. du coup, on a le droit à des descriptions de lutte intestine entre Asantes et Fantes ( 2 peuples se partageant le territoire), les enlèvements de femmes, les razzias, pillages, ventes et commerce avec les Anglais d'esclaves d'autres tribus…tout un pan de l'histoire qu'on connait sans vraiment connaître. Cette partie du commerce triangulaire un peu oubliée. J'ai trouvé absolument passionnant les comparaisons civilisation blanche et civilisation noire, et le dégout des Européens pour des actions qu'ils pratiquaient eux-mêmes. Par exemple, la polygamie des tribus se retrouve chez les colonisateurs qui en général étaient mariés en Grande-Bretagne et prenaient une femme parmi les locaux. C'est le cas de James senior qui marie Effia. Ce livre est truffé de réflexions pertinentes sur ce que ça veut vraiment dire d'être noir-est-ce seulement une couleur ? ou un état d'esprit ?

Ce livre aborde aussi l'acculturation et donc la perte de culture originelle, la culture ouest-africaine. On le voit avec la fille d'Esi qui a perdu son Twi et qui ne se souvient que de quelques mots murmurés par sa maman avant d'avoir été arrachée/séparée d'elle. Cette acculturation est forcée comme le montre la scène de torture décrite (par coups de fouet pour chaque mot prononcé en dialecte africain ou même pour chaque silence qui devrait selon les maîtres être remplacé par un mot en anglais. Il y a aussi un passage sur les run away, ces esclaves qui s'enfuyaient des plantations-comme le tentent Sam et Ness et il est également question de ces femmes qui tuaient leurs bébés pour leur éviter de vivre une vie d'esclave, à jamais enchaînés.

Le symbole du feu. Transmission de l'héritage, de la peur de ce feu jusqu'à Marjorie.

Mon personnage préféré : Willie sans hésitation. D'abord parce que les protagonistes féminins de ce roman sont bien plus développés que les personnages masculins ( peut être parce que l'auteure est une femme elle-même) et parce que j'admire son combat et tout ce qu'elle a du subir, jusqu'à entendre son fils lui dire qu'elle n'est pas courageuse, alors qu'elle a tout quitté, sa vie en Alabama pour fuir les lois Jim Crow et se retrouver à New York, à Harlem où tout est plus grand, plus impersonnel, rien à voir avec Pratt City. Elle fait tout pour aider son mari, et il l'a quitte pour fonder sa propre famille après l'avoir presque violée devant des camarades de boulot blancs pervers et ignobles. Puis, quand elle pense avoir retrouver un homme sur qui compter, ce dernier la laisse aussi avec un enfant en plus ( Joséphine). Plus tard, elle devra gérer l'addiction aux drogues de son fils, les enfants de sa fille…autant dire que cette femme est admirable. Quant à Sonny, il est le personnage qui sert à Yaa Gyasi pour critiquer les conditions déplorables que vivaient les Noirs à NYC ; elle nous montre que Harlem, ce n'est pas seulement les clubs de jazz et les église qui vibrent des sons du gospel non, c'est aussi un quartier de drogués, où il y a peu d'espoir d'avancer socialement ( toutes les femmes sont femmes de ménage ou nanny pour des familles Noirs riches, qui cela dit en passant, ne peuvent même pas accéder au quartier blanc, et sont comme entre deux mondes, isolés de la population noire mais pas assimilés à la population blanche, où des familles nombreuses s'entassent dans des appartements minuscules… Marjorie est aussi un personnage très intéressant, c'est elle qui permet à l'auteure de mettre en lumière les discriminations à l'école et dans les universités-comme le fait que son ami allemand Graham ne l'invite pas au bal de promo parce que ses parents ne sont pas d'accord-quand elle écoute le garçon s'excuser platement au téléphone, elle est déjà résignée : elle le savait. H. est un personnage particulièrement intéressant parce qu'il travaille dans les mines dans des conditions complètement aberrantes : 10h par jour avec une certaine quantité à produire et si chacun ne fait pas sa part, le risque d'être battu jusqu'à ce que mort s'ensuive, la nuit enchaîné avec 10 autres détenus. le mépris de Thomas pour ses « collègues » noirs montre bien que même s'il se trouve dans la même situation, il se considère bien au-dessus d'eux. Cf Zola Germinal.

Marcus ne fait pas partie de mes personnages favoris mais il m'a permis dans savoir plus sur son père Sonny et me rendre compte qu'il a réussi à se sauver de lui-même en allant dans un centre de désintoxication. J'ai bien aimé le final, bien qu'un peu prévisible : le retour aux origines, là où tout a commencé et l'union entre l'eau (Markus) et le feu (Marjorie) avec cette connexion qui s'établie entre eux, après tout ils sont cousins très éloignés.

Yaw et son poste de professeur dans une école locale permet au lecteur de prendre conscience une fois de plus du travail de sape européen sur les mentalités ouest-africaines : l'anglais serait la langue la plus raffinée, de l'élite et le twi/asante la langue du peuple, des plus démunis.

En bref, un roman à lire.
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