AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur L'ange de l'oubli (15)

Autrefois, les mots me semblaient être accueillis par les sensations, désormais je m'encombre de tout ce pour quoi il n'y a pas de langue, et s'il y en a une, je ne sais pas l'employer.

(...)

Je songe à me retirer de l'enfance dont le toit s'est mis à fuir, je risque de couler avec elle.
Commenter  J’apprécie          120
Entre l'histoire de l'Autriche telle qu'elle est proclamée et l'histoire effective s'étend un no man's land où il y a de quoi se perdre. (p.148)
Commenter  J’apprécie          70
L'ange de l'oubli a dû oublier d'effacer de ma mémoire les traces du passé. Il m'a fait traverser une mer ou flottaient vestiges et fragments. Il a fait s'entrechoquer mes phrases avec des ruines et des débris charriés par les eaux pour qu'elles se blessent, pour qu'elles s'affûtent. Il a définitivement chassé l'image de l'angelot accrochée au-dessus de mon lit. Je ne le verrai pas, cet ange. Il restera sans forme. Il disparaîtra dans les livres. Il sera un récit.
Commenter  J’apprécie          60
Pendant un instant je me suis sentie comme un enfant qui a couru pour échapper au temps, le temps qui, derrière moi, glisse comme un glacier invisible, lent et lourd, sur tout ce qui a jamais eu lieu, qui enfouit sous lui, broie et réduit en poudre tout ce qui semblait inamovible.
Commenter  J’apprécie          60
Elle ne parle pas, elle ne mange pas. Les enfants s'occupent des bêtes et font la cuisine pour leur mère. Ils l'exhortent à se lever enfin, à devenir enfin une adulte, comme eux.
Commenter  J’apprécie          50
Je crains que la mort ne se soit nichée en moi comme un petit bouton noir, un lichen dont la dentelle recouvre invisiblement ma peau.
Commenter  J’apprécie          50
Je suis fichée dans l'enfance comme un pieu dans une cour où on le secoue tous les jours pour vérifier qu'il supporte bien les secousses.
Commenter  J’apprécie          40
Dans les livres que je lis, les corps des gens restent intacts, ils montent au ciel avec un air de félicité ou sont rattrapés dans leur chute. Au contraire de cela, comme je m'en rends compte brusquement, dans nos vallées encaissées les corps ont toujours été anéantis, détruits pour mettre en garde ceux qui restent. Ici fait rage la dilapidation la plus hasardeuse, ici on jette la vie par les fenêtres, ici on abat les corps que c'en est à pleurer. (p.89)
Commenter  J’apprécie          40
Mon père renaît grâce au souvenir de la douleur passée si tant est qu'elle soit une douleur et pas une danse d'ombres enivrées. Il s'invente et se rejette compulsivement. Son état de tension ne se relâche que lorsqu'il a bu, quand son corps entre en léthargie et se désinhibe, là où les frontières se dissolvent, quand il se transforme en une masse molle à la dérive dans sa conscience. Alors seulement il arrive à respirer et à faire jaillir, à catapulter hors de lui ce qui s'y trouve emmêlé, agglutiné, pris dans la glace. Un homme-volcan.
L'angoisse, c'est elle la grande discordance, elle est la déchirure entre lui et nous. Elle forme en lui le noyau de survie qui n'admet aucune sensation à notre égard. Dès qu'il l'éprouve lui-même, il nous rejette. Sa vie semble se concentrer et s'intensifier dans les heures où l'alcool lui ôte sa réserve.
Commenter  J’apprécie          10
Les souvenirs des habitants des vallées se rebiffent, se soulèvent, reprennent possession d'eux. Après la fin du nazisme, ils connaissaient encore leurs histoires, ils se racontaient ce qu'ils avaient vécu, ils se reconnaissaient dans la souffrance d'autrui. Puis était venue la peur de s'exclure à force de parler de ces histoires, d'être étranger dans un pays qui voulait entendre d'autres récits et considérait les leurs comme négligeables. Ils savent que leur passé n'apparaît pas dans les livres d'histoire autrichiens, et moins encore dans les livres d'histoire carinthiens, où l'histoire du Land commence à la fin de la Première Guerre mondiale, s'interrompt puis reprend à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ceux qui racontent le savent et ils ont appris à se taire.
Mais maintenant, ils extirpent le souvenir, ils le ressortent de leur sac, ils le laissent tomber comme par mégarde dans l'espoir qu'il sera ramassé par l'un des auditeurs. Il se pourrait que quelqu'un veuille en savoir davantage. Il serait temps.

Bien sûr, les questions ne sont pas posées avec insistance. Les questionneurs dont preuve de circonspection, comme s'ils voulaient éviter de fouiller dans d'anciennes blessures, comme s'ils avaient peur d'en apprendre trop, peut-être même sur leur propre famille. Bien vite, ceux qui s'apprêtent à raconter, ces quasi-narrateurs, sont envahis par leur vieille crainte de leurs récits utilisés contre eux ou contre d'autres, de voir réveillées de vieilles inimitiés, des amitiés trahies, ou de se rendre suspects d'une manière ou d'une autre.
Commenter  J’apprécie          10





    Autres livres de Maja Haderlap (1) Voir plus

    Lecteurs (45) Voir plus



    Quiz Voir plus

    auteurs allemands ou autrichiens

    D'abord un des phares de la littérature européenne : Johann Wolfgang von Goethe

    allemand
    autrichien

    12 questions
    59 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature , littérature allemande , littérature autrichienneCréer un quiz sur ce livre

    {* *}