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Critique de Deleatur


Une lecture franchement impressionnante... A plusieurs reprises j'ai même eu du mal à croire que ce récit sur le basculement de l'Allemagne dans le nazisme avait réellement pu être écrit à chaud, tant son analyse est lucide. Au point que j'ai ressenti le besoin de faire quelques recherches pour me convaincre que oui, en effet, ce texte avait bien été rédigé en 1939. Avant la guerre, avant les écrits d'Hannah Arendt, et avant que le fonctionnement des systèmes totalitaires ne devienne un objet d'étude.
On ne croise pourtant aucun des grands responsables du nazisme dans le livre d'Haffner, pas plus que ses théoriciens. L'auteur s'en excuse d'ailleurs, craignant que cela enlève toute pertinence à son propos : il n'a voulu témoigner qu'à son échelle individuelle, celle d'un citoyen absolument banal qui se retrouve à vivre l'agonie d'une démocratie, puis la mise en place de la dictature avant celle de la pensée totalitaire.
De fait, ce livre est en quelque sorte le portrait du nazisme au coin de la rue : l'embrigadement insensible de l'employé de bureau, le fascisme de cour d'immeuble, la raison qui s'éteint un peu plus chaque jour dans les propos de votre voisin. Rien de moins spectaculaire, mais rien de plus glaçant que de voir à travers les yeux d'Haffner comment une société qui se pense normale renonce à ses libertés sans résistance, et sans même s'en apercevoir. L'auteur n'a pourtant pas été préparé à cet effondrement moral. Ainsi qu'il le dit lui-même, « les familles consciencieuses élèvent toujours excellemment leurs fils en vue de l'époque qui vient de s'écouler ». Mais Haffner a beau être effaré par le spectacle auquel il assiste, il ne se départit jamais de son regard clinique, affûté comme un scalpel. Et il ne constate autour de lui qu'apathie, résignation et petites lâchetés. de minuscules défaites qui s'accumulent, se nourrissent et grossissent, jusqu'à ce que l'impensable devienne une nouvelle normalité. A la fin, il ne reste plus qu'à se chercher une place dans cette folie collective ou bien s'exiler. C'est ce qu'a fait Haffner, et c'est la pulsion vitale qui lui a donné la force d'écrire ce texte irremplaçable. Tout simplement saisissant.
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