Combien de fois avions-nous été dénoncés ou trahis par les mains qui se tendaient maintenant vers la Résistance ?
Quelque part, ça me laissait amer.
Quelque part, c'était se voir avec les yeux de toutes leurs hypocrisies et décider de s'en satisfaire.
Ne renonce pas aujourd'hui parce que tu as peur de ce que tu deviens. Débats-toi Julian. Toujours. Débats-toi !
Il caressa chacun de mes frissons avec une satisfaction qu'il ne comptait pas cacher.
La nuit s'étira.
Sans fin et si brève à la fois.
Elle nous laissa nos éclats de rage.
Nos fragments de tendresse.
Elle retint chaque mot et chaque souffle.
La beauté de nos murmures.
La splendeur de tous nos cris.
Je me fichais bien de la politique. C'était tellement loin de moi maintenant. ça l'avait toujours été, dans un sens. La terre n'était ni de gauche, ni de droite et pendant longtemps ça avait été tout ce qui m'importait.
Certains devaient gagner la guerre.
D'autres s'occupaient de ce qu'il se passerait, après.
Nous avions tous un rôle à jouer.
J'avais le mien.
Je n'avais même plus la force de respirer.
Pourtant j'avais toujours eu celle de l'aimer.
Lui.
- Je le vois, dit soudain Augstin.
- Le môme ? demanda son frère.
- Ouais... Il est mal en point.
Tout le monde l'était, une fois aux mains des nazis. Il n'y avait pas un endroit qu'ils épargnaient, pas un morceau d'âme qu'ils n'envahissaient pour chercher à vous faire craquer.
La peur que ressentent tous les enfants face au pire de leurs ennemis.
Le courroux d'une mère n'épargne jamais.
Il enseignait et la dignité et le respect.
J'espérais seulement que François s'en rappelait.
Quand un ami vous connaissait mieux que vous-même, il n'y avait pas un endroit où cacher vos vérités.
- Si je dois mourir Engel, répétai-je, alors que ce soit par toi. Que ce soit sous ton regard. Promets-le moi.
Il ne le fit pas, préférant m'entraîner dans ce monde que nous avions créé pour nous y réfugier.
Il n'était pas parfait, ni même tranquille.
Mais lorsque nous nous y retrouvions, nous pouvions simplement fermer la porte et ne plus entendre les cris qui retentissaient de l'autre côté.
C'était peut-être un phare abandonné sur des côtes dangereuses.
Peut-être un bateau qui naviguait sur une mer turbulente, pris entre deux tempêtes.
Un simple moment où fermer les yeux et se laisser emporter par ce que certains appelaient l'amour. Et qu'ici, dans cette chambre, en ce mois de février 1944, n'était rien d'autre que notre plus belle aberration.
Notre plus grande déraison.