Qu'est-ce qui était le plus grave ?
Qu'il soit un homme, ou qu'il soit allemand ?
Nous portions tous les chaînes des Allemands. Ce n'était pas en les ignorant que nous marcherions avec plus de facilité. Ce n'était pas en refusant de les sentir ralentir nos pas qu'elles disparaîtraient pour autant. Ce n'était pas en se battant contre du vent que nous réussirions à les briser. Ce qu'il nous fallait, c'était une clef pour nous libérer. Et nous n'en avions aucune. Alors en attendant de la trouver, il fallait s'en accommoder le plus dignement possible.
Si tant est qu'il y ait quelque dignité à être prisonnier.
Mon insouciance les avait suivis au front et, tout comme eux, elle y avait péri.
À cette époque, on disait la France divisée. D'un côté les collabos, de l'autre les résistants. Ceux qui dénonçaient et ceux qui s'opposaient. On en oubliait parfois qu'entre les deux des millions de personnes essayaient seulement de continuer. Continuer d'avancer sur les ruines d'une guerre. Continuer avec cette peur chevillée au corps et au coeur.
"Ce que croit ma raison quoi qu'il puisse arriver,
Et ce que sent mon coeur en sa douleur amère,
C'est que mieux vaut l'amour suivi d'un deuil austère
Que la paix de celui qui ne sut pas aimer."
Alfred Tennyson - In Memoriam
Voir le soleil plonger sous la surface alors que la nuit reprenait ses droits. C'était toujours le cas, non ? L'obscurité n'était jamais loin. Elle arrivait à la bonne heure, sans aucun retard. Il voulait observer chaque étoile venir l'éclairer. ça lui rappelait un autre temps qui ne l'avait jamais vraiment quitté. ça lui rappelait comment on se sentait en vie.
Comment on se sentait mort, aussi.
"Vous voudriez savoir
Poser des questions
Et vous ne savez pas quelles questions
Et vous ne savez pas comment poser les questions
Alors vous demandez
Des chose simples
La faim
La peur
La mort
Et nous ne savons comment répondre
Nous ne savons pas répondre avec vos mots à vous
Et nos mots à nous
Vous ne les comprenez pas
Alors vous demandez des choses plus simples
Dites-nous par exemple
Comment se passait une journée
C'est si long une journée
Que vous n'auriez pas la patience
Et quand nous répondons
Vous ne savez pas comment passait une journée
Et vous croyez que nous ne savons pas répondre."
Vous voudriez savoir - Charlotte Delbo
Rescapée d'Auschwitz
Une magnifique histoire entre un officier allemand et un jeune français voulant protéger les siens
Il n’y a jamais de bon moment pour la perte. Ni pour le deuil. L’âge ne le rendait pas plus facile. Bien au contraire. Les années avaient laissé leur empreinte et, aujourd’hui, il n’y avait plus que l’absence.