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Critique de Marie-Nel


Lorsque j'ai vu ce livre la première fois, j'ai tout de suite été emballée par la couverture, elle a un toucher spécial, en relief, j'ai appris depuis que c'était la marque de fabrique de la collection "Apparté" des éditions Eyrolles. J'ai aussi été intriguée par cette femme qui à la fois se cache et se dévoile, avec ce rouge et ce bleu qui se marient si bien. Après avoir lu le résumé, j'ai très vite eu envie de voir comment l'autrice avait traité le sujet.

C'est un premier roman pour Aure Hajar, et après avoir refermé son livre, je dois dire qu'elle a mis la barre très haute et qu'elle a commencé vraiment très fort. le sujet est très fort et dur, mais surtout, le style d'écriture est rude aussi, il colle parfaitement au sujet, l'autrice est directe dans ses mots, ne cache rien. Et j'ai vraiment beaucoup aimé son style, sa plume et sa façon de traiter le sujet. Ce sujet c'est la prostitution, et aussi la précarité des jeunes étudiants.

Je ne vais pas trop revenir sur l'histoire. On va faire la connaissance de Lila. C'est une jeune fille qui arrive à Paris pour suivre ses études de droit. Elle vient d'un milieu modeste, elle va se retrouver confrontée au train de vie des autres étudiants, il va falloir qu'elle trouve un moyen pour subvenir à ses besoins. Elle enchaîne les petits boulots mais c'est difficilement conciliable. Alors, Lila s'inscrit sur des sites pornographiques et devient escort. Elle prend un pseudonyme, Fleur, elle rencontre des hommes, gagne de l'argent. Elle est aidée par d'autres prostituées, qu'elle appellera la "putosphère". Elles s'entraident beaucoup. Plus le temps passe, et plus Lila se met en danger et gravit des échelons dans la pornographie, tout en essayant de continuer ses études.

Le roman est divisé en trois parties qui représentent les trois stades atteints par Lila. Je ne peux malheureusement pas vous les révéler, je ne veux pas spoiler. C'est devinable, Lila va rentrer dans un engrenage qui la pousse à aller de plus en plus loin. Et en tant que lectrice, j'ai assisté impuissante à cette descente aux enfers. Je me suis très vite attachée à Lila, j'ai eu envie de lui parler, de l'aider, de la protéger. Je lui parlais parfois, je lui disais de ne pas faire ça ou de ne pas aller là, je la trouvais tellement réelle. L'autrice la rend très réelle d'ailleurs, et rend tout son entourage très réaliste aussi. Elle ne mâche pas ses mots, elle est concrète et décrit très bien la vraie vie.J'ai eu la chance de la rencontrer virtuellement grâce au club des lectrices Eyrolles, elle expliquait qu'elle s'était appuyée sur des faits authentiques, qu'elle avait rencontré des jeunes femmes ayant vécu la même chose que Lila. C'est ce qui fait que le récit est tellement vrai. Et qui le rend encore plus glaçant. Bien sûr, je ne suis pas née de la dernière pluie et je sais que tout ceci existe, mais le lire au travers d'un personnage rend le sujet encore plus marquant.

Selon Aure Hajar, ce roman était au début un essai qu'elle a ensuite romancé. Son style d'écriture est tellement percutant, et en même temps très sensible. Elle ne dramatise pas plus le sujet qui est déjà très dur. J'ai beaucoup aimé sa plume, et j'ai bien ressenti tout le travail qu'elle avait dû faire en amont. Elle a mis cinq ans pour écrire ce livre, ce qui explique bien la justesse du propos. La narration à la première personne du singulier fait que je me suis encore plus attachée au personnage principal, j'ai été au plus près de ses pensées et de son ressenti. Et c'est parfois très compliqué. J'aurais quelquefois aimé prendre de la distance vis à vis de Lila. Mais c'est ce qui fait aussi l'intensité de ses émotions.

Aure Hajar rend, à travers ce roman, un hommage vibrant aux femmes, à ces travailleuses du sexe, qui chaque jour sont confrontées à la violence des hommes, à leurs envies dévastatrices pour leurs corps, pour leurs âmes. Les violences sont à la fois corporelles et psychologiques. Bien sûr, je savais déjà tout ça, mais comme j'ai dit plus haut, le lire et le vivre au travers un personnage, c'est très troublant. Les hommes n'ont pas le beau rôle ici, ce n'est pas le propos. Il y en a des sympas, mais j'avoue que je retiens surtout ceux qui ont été les plus brutaux.

Ce livre est un coup de coeur, pour l'histoire, pour le personnage de Lila, pour la plume de Aure Hajar, et pour toutes ces femmes qui subissent l'innommable. J'ai dû laisser reposer un peu avant de pouvoir écrire cette chronique, mes sentiments étaient à vif juste après la lecture. Après quelques jours, je retiens surtout la place et la parole qu'a données l'autrice à ces femmes bien souvent Invisibles. Je vais suivre Aure Hajar de près, j'aimerais beaucoup la lire à nouveau, pour un premier roman, elle a tapé très fort.

Je ne peux que vous conseiller ce roman, il n'est pas tout le temps simple à lire, gardez une lecture plus légère à côté. Moi je l'ai lu d'une traite car je voulais savoir ce qui arrivait à Lila. Bien sûr, le sujet est difficile, et cela peut rebuter, mais je trouve qu'il faut lire ces histoires, pour rendre une sorte d'hommage à ces femmes, et surtout pour réaliser ce qu'elles vivent, ne pas les juger. On dit que c'est le plus vieux métier du monde, mais comme j'aimerais qu'il soit éradiqué...
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