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Critique de Eric75


Jusqu'à une date récente, on pouvait penser que les Grandes Oreilles américaines sur le sol français étaient celles de Mickey et de Minnie à Marne-la-Vallée. Or, en vociférant des cris d'orfraie, voici que l'on découvre, scandales après scandales successivement révélés par Manning, Assange, Snowden, que tout ce que l'on raconte au téléphone, mais aussi tout ce que l'on échange de façon privée via un ordinateur connecté à internet : mails, conversation en ligne, messageries instantanées, chats, vidéos, photos, données des réseaux sociaux, login et mots de passe, transferts de fichiers… est aussitôt enregistré et mis sans façon à la disposition des barbouzes des agences de renseignement américaines, qui peuvent puiser ad nauseam directement dans les serveurs de données de tous les géants du net (Microsoft, Yahoo!, Google, Facebook, Paltalk, Youtube, Skype, AOL, Apple…).

Luke Harding est journaliste au Guardian, il est donc aux premières loges pour raconter en détail l'histoire d'Edward Snowden, le lanceur d'alerte. Tout commence par un mail anonyme envoyé en 2012 à Glenn Greenwald, journaliste du Guardian résidant à Rio, connu pour son travail d'investigation sur les dossiers épineux de l'administration américaine. le mystérieux interlocuteur demande à Greenwald d'installer un logiciel de cryptage sur son ordinateur, préalable à tout échange ultérieur… Greenwald ne donnant pas suite à cette requête, l'informateur anonyme contacte alors une amie du journaliste, Laura Poitras, une réalisatrice free lance harcelée par la Sécurité intérieure américaine suite à ses reportages jugés indélicats et à l'époque réfugiée à Berlin. Après quelques tergiversations et précautions d'usage permettant de convenir d'un rendez-vous secret, et la récupération en tant qu'amuse-bouches de 4.000 documents classifiés (par la suite 1,7 millions de documents seront fournis), Glenn Greenwald et Laura Poitras rencontreront Snowden – leur mystérieux correspondant – dans un hôtel de Hong Kong où ils filmeront la première interview du lanceur d'alerte.

Tout ceci n'est que le début du récit de Luke Harding, qui se lit véritablement comme un thriller d'espionnage à dévorer comme il se doit d'une seule traite. On a parfois du mal à se persuader que les révélations d'Edward Snowden et les péripéties du scénario exposé aient été bien réelles (surveillance des câbles sous-marins intercontinentaux, piratage des protocoles https et ssh, installation de logiciels espions dans les Smartphones, descente musclée dans les locaux du Gardian, demande d'asile à Poutine, etc.).

Dans la vraie vie, ces histoires de barbouzerie impliquant la NSA ne sont pas terminées, puisque les révélations de WikiLeaks, relayées par Médiapart et Libération, continuent d'être distillées au compte-gouttes. La dernière en date (juin 2015) a été la mise sur écoute de trois présidents français : Chirac, Sarkozy et Hollande. Or Snowden avait dévoilé dès octobre 2013 que le téléphone portable de la chancelière Angela Merkel avait été placé sur écoute par la NSA pendant plusieurs années. Avec beaucoup de naïveté et d'hypocrisie, nos hommes politiques font semblant aujourd'hui de s'insurger et de découvrir que Merkel n'était pas la seule V.I.P. ciblée par l'agence américaine !

Ce genre de révélation nous parvient désormais à intervalles réguliers, comme si les journalistes, amateurs de teasing, faisaient durer le bon filon. Ceci engendre à mon avis un effet pervers. Ces divulgations ne reçoivent plus l'écho ou le niveau d'indignation auxquels on pourrait s'attendre eu égard à la gravité des faits. Nous sommes comme mithridatisés. le scandale du Watergate n'était rien comparé à l'affaire Snowden, mais il a pourtant été à l'origine de la démission de Richard Nixon. Aujourd'hui, face aux scandales à répétition qui tombent comme à Gravelotte, nous sourions d'un air gêné en nous disant qu'il ne faut pas être naïf, que toutes les agences de renseignement pratiquent de même (les Américains avec plus de moyens), et que cela est normal dans un contexte mondial de lutte contre le terrorisme.

Ces pratiques sont donc légitimes ? A l'heure où la France s'apprête à voter une loi sur le renseignement (adoptée en première lecture le 5 mai), faites-vous votre propre opinion sur la version américaine des libertés individuelles consenties par une agence de renseignement en lisant le Dossier Snowden, ou même les pages traitant du sujet sur Wikipédia détaillant la liste des documents dévoilés (https://fr.wikipedia.org/wiki/Révélations_d'Edward_Snowden). Si vous êtes patient vous pouvez également attendre la sortie du film sobrement intitulé « Snowden », réalisé par Oliver Stone, avec Joseph Gordon-Levitt dans le rôle-titre, dont la sortie en salle est prévue pour fin 2015, et qui est une adaptation de ce récit.
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