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Critique de Biblioroz


Il me semble que c'est une habitude chez Thomas Hardy d'ouvrir ses romans en nous conviant sur une route de l'ouest de l'Angleterre où l'environnement englobe tout à la fois le lecteur et le ou les personnages avançant sur ce chemin de campagne.
Ici, c'est une route abandonnée qui va mener un barbier vers Little Hintock, un endroit perdu, un minuscule hameau composé de quelques cottages crachant leurs fumées dans la brume environnante. Un paysage de taillis, de vergers et de bois dépouillés par l'hiver, accentuant la désolation de ce pays perdu. L'odeur de feuilles mortes et de cidre qui fermente flotte dans l'air du soir.
Devant un feu nourri qui réconforte, la jeune Marty taille des branches de noisetiers et le barbier vient là pour elle, ou plus précisément pour acheter sa superbe chevelure convoitée par la châtelaine.
Le lendemain, sur cette même route, l'auteur fera converger ses principaux personnages comme il fera converger et s'entrecroiser leurs destins.

Dans ce minuscule village, Mr Melbury, le négociant en bois, se tracasse au sujet de Grace, sa fille unique. Il s'était fait la promesse de réparer une vieille injustice en offrant sa fille en mariage au fils de l'homme dont il se sent redevable. Mais cet engagement pour réparer un tort le torture car il ne veut pas sacrifier sa fille à un homme sans fortune. Giles Winterborne, pourtant profondément amoureux de Grace, n'est qu'un petit cultivateur et planteur d'arbres. le négociant a donné à Grace une solide instruction qui lui confère maintenant une supériorité sur les gens du cru et il est convaincu qu'elle mérite donc un mariage plus beau, plus digne d'elle.
Un jeune docteur, issu d'une famille solidement établie même si c'était du temps de son grand-père, entrera alors en scène pour confronter deux mondes : celui simple et rustique d'un campagnard et celui, bien plus distingué mais totalement inconstant, d'un homme instruit.
Le bonheur se trouve-t-il forcément chez ceux qui brillent par leur distinction sociale ? Mr Melbury en est persuadé.

C'est donc autour de cette ambition paternelle de voir son enfant chérie faire une belle alliance que Thomas Hardy tisse des destins où l'injustice du sort éclatera dans différentes directions, touchant cruellement certains des habitants de Little Hintock.
Grace, plutôt passive, pas vraiment ambitieuse mais tout de même envieuse d'évoluer dans une sphère plus éclatante, montera d'un étage dans la société et pourtant, au fond d'elle, l'amour du milieu forestier demeure. Mais son réveil est bien trop tardif.
Toutes les natures s'affronteront : celle fantaisiste et mélancolique de la châtelaine, la droiture et l'extrême vertu de Giles, la fièvre et l'infidélité du docteur, la naïveté et la crédulité du négociant…
L'inconséquence et les tergiversations amoureuses formeront le terreau des gens instruits alors que la droiture et la constance appartiendront aux petites gens.
Par les désastreux résultats des décisions soufflées par le père, c'est tout l'emprisonnement du mariage pour la femme du XIXe siècle qui ressort tragiquement de ce roman.


À côté des préoccupations humaines si subtilement détaillées, le décor est toujours somptueusement présent chez Thomas Hardy. L'univers sylvestre fait entendre l'activité bruyante de coupes de bois ou de l'écorçage, les roulements de charrettes acheminant les fagots pour confectionner les toitures. Il nous montre les souches récemment mises à nu, les premières ramures rongées par les lapins et nous mène derrière le pressoir ambulant de Giles à la saison du cidre.

Comparé à d'autres titres déjà lus de l'auteur, je ne dirais pas que les évènements s'affolent dans Les Forestiers même si les tourments ne manquent pas. Mais l'éblouissante écriture de Thomas Hardy efface incontestablement les petites lenteurs de l'histoire.
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