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Critique de Skorski


Il me semble que ce court recueil va bien au-delà de ces destinées tragiques de femmes auquel on le restreint souvent, y compris l'éditeur qui a choisi un titre pouvant à mon avis, peut-être pas biaiser, mais rétrécir les horizons de lecture.
Certes, les personnages principaux sont des femmes, des femmes terriblement malheureuses parce que vivant sous les contraintes imposées par les hommes autour d'elles. On peut s'agacer d'ailleurs de ne voir présentés ces personnages féminins que comme des personnes fragiles, victimes de leur imagination débridée et parfois proches de l'hystérie, un tableau terriblement décourageant. Mais Hardy réussit à montrer que c'est l'absence de possibilités d'accomplissement en tant qu'individu, leur cantonnement à une vie intérieure (aux sens propre et figuré) qui finalement « dérègle » certaines d'entre elles. Les autres n'ont pas meilleur sort, qui se retrouvent contrariées dans leurs désirs ou projets, car toujours tributaires qui du père, qui du mari, qui du fils, etc. Sale temps pour les femmes, donc. Mais pas que.
Dans cette société patriarcale, les hommes sont parfois aussi victimes que les femmes car eux aussi sont soumis à une multitude de contraintes. Certains personnages masculins de ce recueil m'ont beaucoup touchée, qui ont échoué à se soustraire au devoir militaire, échapper à leur statut social (la notion de classe sociale correspond presque un système de caste en Angleterre à cette époque) ou à se faire adouber par les critiques. Hardy décrit ainsi une société qui est en réalité violente pour beaucoup, qui condamne chacun(e) à rester bien à la place qu'on attend d'elle ou de lui.
Les nombreuses références aux progrès de l'époque (le chemin de fer, l'essor du tourisme balnéaire, la première exposition universelle) accentuent encore le contraste entre ces destinées individuelles et les forces auxquelles elles sont soumises et qui les dépassent.
Finalement, l'ancrage récurrent dans un temps et un territoire donnés, laissent penser que Hardy visait bien au-delà du simple portrait psychologique de femme et qu'il donnait plus largement à voir sa perception de l'environnement dans lequel il évoluait. D'ailleurs, ces nouvelles, je crois, sont parues dans un recueil dont le titre Wessex Tales qui reflète davantage ce projet et peut orienter vers une lecture peut-être plus large.
Quant au style de Hardy, je le trouve fin et élégant. J'apprécie qu'il ne se vautre pas dans l'expression des sentiments douloureux. C'est comme si, ces situations étant irrémédiables, il était inutile (voire contre-productif) de s'attarder au-delà du raisonnable. En dépit de cette sobriété formelle, cette lecture aux accents tragiques -que j'ai beaucoup appréciée par ailleurs- m'a tout de même laissée un peu déprimée…
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