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Critique de Zebra


Zebra
11 septembre 2014
"Grand Maître" est un roman de Jim Harrison (415 pages), édité chez J'ai Lu en Février 2014. le sujet du roman ? Comment vous dire ? Et bien, messieurs qui me lisez, que feriez-vous si vous constatiez que vous prenez de l'âge, des rides, de l'embonpoint et que vous n'avez plus le goût à rien si ce n'est qu'à vous alcooliser, qu'à engloutir force nourriture, qu'à mater les rares jeunes filles qui passent encore devant vos fenêtres et à vous enfoncer dans une demi-léthargie en rêvant à cette époque heureuse où vous étiez un jeune homme, beau, fort, séduisant avec plein de projets ? Vous feriez peut-être comme Jim Harrison : vous songeriez à vous tirer une balle dans la tête !

Dans cet ouvrage, Jim va nous brosser un tableau long comme le bras et très émouvant (non, je n'ai pas écrit "larmoyant") de son mal être, tout en dénonçant à fleuret moucheté les dérives sociétales de son pays, le tout sur fond de fausse enquête menée sur un gourou pédophile et fondateur d'une secte dont le nombre d'adeptes grossit dangereusement (tiens, comme notre bon vieux Jim). Les dix premiers chapitres, soit plus des deux tiers du livre (qui est un faux roman policier), sont d'un ennui profond, quant à la fin, je ne voudrai pas spoiler mais sachez qu'elle ne casse pas trois pattes à un canard, comme le dit si élégamment ma concierge.

Bon, au final, qu'en penser ? Puisque c'est un faux roman policier, inutile de chercher un assassin, une intrigue, du suspense, des faits et des rebondissements et des personnages pittoresques. Reste un roman avec des descriptions fastidieuses, des évènements plus ou moins consistants - qui ne contribuent qu'assez peu au projet littéraire et qui ne sont analysés que superficiellement-, et puis des obsessions sexuelles qui inondent le roman (à raison d'une toutes les 3 pages), et en prime une dérive existentielle dont on pressent l'issue.

Un livre raté ? le livre de trop dans la production du grand Jim ? Pas tout à fait. Au-delà de la dénonciation de l'état catastrophique de la société américaine dans laquelle il vit, une société qui a oublié qu'elle a commis le génocide des Indiens d'Amérique (500 tribus, 10 millions d'hommes en 2 siècles), Jim dénonce la financiarisation du monde et la déliquescence des rapports parents enfants. Et puis il se confesse : oui, son divorce a flingué sa vie ; oui, malgré son sang indien, il n'a jamais bougé le petit doigt pour venir en aide à la cause indienne ; oui, il est vieux, ravagé, sans espoirs ; oui, il s'emmerde avec ce trop plein de loisirs qui l'envahit ; oui, il lui reste les plaisirs de la table, la nature, les rivières où il fait bon pêcher la truite et les sentiers qui lui permette de faire de la rando et de chasser la gélinotte.

En plein désert affectif, Jim, fatigué et en fin de vie, nous livre un ouvrage attachant d'où la poésie n'est pas absente. Ce livre mélancolique, à l'humour grinçant, tendre et lucide n'est fait ni pour les dépressifs, ni pour les hyper-actifs. Les inconditionnels de Jim Harrison trouveront probablement l'ouvrage en-deçà de la qualité de ses productions précédentes. Je mets 3 étoiles.
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