Mais même ces deux exils furent dissemblables : d'un côté, l'exil forcé d'une famille misérable fuyant les pogroms ; de l'autre, l'exil orgueilleusement choisi d'une famille bourgeoise décidant d'abandonner sa région natale pour venir habiter dans la capitale de sa patrie d'élection. Pas grand chose donc ne rapproche ces deux lignées, si ce n'est l'appartenance à deux religions minoritaires, et le choix de la France. Et il fallut ce hasard - l'improbable rencontre à Marseille, de deux jeunes gens meurtris autant par la guerre que par l'indifférence de leurs mères mal mariées - pour unir deux destins d’exilés : deux destinées françaises.
Après les mariages arrangés de Stacia la juive et de Madeleine la protestante, le mariage de Geneviève et Lionel fut ; plutôt, un mariage "dérangeant" : dérangeant pour les parents de Geneviève, qui auraient certainement préféré avoir pour gendre un bon protestant ; et, surtout, dérangeant pour les parents de Lionel, obligés d'accepter l'idée que leurs petits-enfants ne seraient pas juifs – une première dans l'histoire d'une longue chaîne qui, même imaginairement, reliant la lignée aux origine d'Israël ; une chaîne bi-millénaire que Lionel, ce 4 août 1950, rompit.