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Critique de camilleD


C'est un livre intéressant que ce dernier roman de Catherine Hermary-Vieille. Intéressant certes, mais pas palpitant.

En deux mots, Catherine Hermary-Vieille nous raconte l'arrivée à Paris d'une jeune fille de la noblesse bretonne, quittant son pays avec sa cousine pour un mariage arrangé. Anne-Sophie découvre le monde, la cour, les salons, pendant que sa cousine Viviane, dévouée à la religion et aux pauvres, court d'hôpitaux en maisons de charité pour apporter son secours au plus démunis. Une troisième femme traverse avec les deux héroïnes le siècle de Dieu, celui du règne de Louis XIV et se bat pour partager sa vision de la religion.

Si l'on peut féliciter le travail de recherche et de documentation de l'auteur pour cet opus –comme pour tous les autres d'ailleurs, on ne peut que regretter la part trop faible faite à la fiction. Les nombreux chapitres se rapportent à des années. Ce découpage scolaire fait du roman une suite d'évènements historiques. Cela accélère d'une part le rythme du récit: les personnages vieillissent sans grandir, ils évoluent sans que le lecteur n'ait le temps de comprendre, ni même d'imaginer les raisons de ces changements. Alors que nous aimerions partager les émotions, les relations, en comprendre les nuances, les mécanismes, l'auteur nous contraint à galoper à travers le siècle, abandonnant toute chance de continuité ni même de réalisme.

La course trop rapide de l'histoire perd le lecteur en route et ne laisse pas le temps aux personnages de fleurir dans notre imaginaire. Eux-mêmes dépérissent et la fiction s'évanouie.

Quelle ambition que de raconter dans un même roman le règne du Roi Soleil du côté lumineux de la Cour et du côté sombre et boueux du peuple miséreux ? C'est pourtant ce que tente l'auteur en essayant de solidariser les deux mondes à travers ses personnages : Anne-Sophie incarne la Cour flamboyante, tandis que sa cousine secourt les miséreux. Catherine Hermary-Vieille décrit pourtant bien cette fracture béante qui sépare ces deux mondes, mais semble vouloir la colmater avec une bien faible relation familiale.

Si les évènements historiques, joyeux comme pathétiques, sont très bien décrits et nous tiennent en haleine, les relations des personnages, les liens qui les unissent, en bref toute leur psychologie est à revoir. On veut nous peindre une famille, l'amour, la passion : on nous donne au contraire à voir des êtres solitaires, détachés les uns des autres. Ils sont tous vides, sans couleur, sans espoir. Tous, les jeunes et le plus anciens, manquent de vivacité, de joie de vivre. Lorsqu'ils sont jeunes, les personnages manquent de vivacité, d'innocence, de rage, de passion –bref tout ce qui peut définir la jeunesse… et lorsqu'ils vieillissent, ils manquent de sagesse, de répartie. Jamais assez jeunes, jamais assez vieux.

En abordant maladroitement le thème du temps qui passe, l'auteur tend presque un bâton pour se faire battre. Certes le règne de Louis XIV s'étend, les modes passent, les famines reviennent, des gens naissent, d'autres meurent, les égéries vieillissent et les belles fleurs se fanent. Mais ce fatum devient bien trop pesant quand avec chaque page arrive la nouvelle d'un décès. A la fin, il ne reste que l'Histoire, avec un grand H, ce vieux roi qui ne veut pas mourir , et d'autres personnages, dont le portrait et l'intérêt sont déjà épuisés depuis longtemps.

Soit qu'il s'agisse d'une tentative avortée de dénoncer un tableau jusqu'ici trop fleuri du règne de Louis XIV, soit que l'enjeu soit seulement de décrire le bouillonnement des peuples qui mènera à la Révolution, l'auteur ne se mouille jamais vraiment.

On a donc l'impression de croquer désespérément dans un joli gâteau sans goût. Rien de plus plat que cet inventaire de faits historiques. Rien de plus fade que ces personnages qui n'ont jamais d'avis. Personne ne prend parti, ni les personnages, ni l'auteur. Et le seul échappatoire qui s'offre à ceux qui pourraient ne pas être d'accord, c'est de se laisser mourir de lassitude.
Le style quant à lui ne nous transporte pas. L'écriture est fluide, mais comme tout le reste, bien souvent très plate. Certains récits d'évènements historiques semblent sortis de nulle part, et ne touchent le récit que parce qu'ils partagent l'année qui chapote le chapitre.
Peut-être est-ce la richesse historique qui implique l'appauvrissement des portraits, des émotions et de tout ce qui constitue en fait la part fictive du récit. S'il en est ainsi, l'auteur a clairement pris le parti de l'Histoire.

La rencontre de la fiction et de l'Histoire est elle aussi bien timide. On regrette de ne pas savoir comment les personnages fictifs réussissent à créer des liens avec des personnages célèbres par exemple : on nous sert au contraire du « Anne-Sophie fut très bien accueillie dans le cercle de Madame de Scudéry et les deux femmes se plurent tout de suite. » La fiction ne permet-elle pourtant pas une infinité de possible… ?

C'est donc un joli cours d'Histoire que ce roman de Catherine Hermary-Vieille, mais après tout, sur le fond, l'auteur n'y est pour rien. le récit manque de piment, il manque de fiction, il manque de vie. Tout s'essouffle. Même le lecteur.
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