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Critique de jplegrand2015


J'aime les romans et récits d'Hermann Hesse et plus encore sans doute ses textes autobiographiques. A ce titre, je viens de terminer « Brèves nouvelles de mon jardin ». Il s'agit d'un recueil de textes publiés chez Calman-Lévy et présentés – fort bien – par leur traducteur François Mathieu.

On y découvre –ou redécouvre » - la passion de Hesse pour les jardins et plus largement sa conception « océanique » de la nature qui débouche sur une curiosité universelle, une volonté de ressentir la vie dans ses potentialités les plus diverses, à son plus haut degré d'ouverture : « qui n'est pas capable de s'approprier un paysage inconnu, d'avoir chaud dans un pays étranger d'avoir une sorte de nostalgie d'une contrée à peine entrevue , manque quelque chose au plus profond de lui-même ». La nature est belle partout ou nulle part : plus je me restreins, plus vastes sont les domaines de la vie qui me demeurent indifférents et « plus il en est ainsi, plus bas je me situe ».

Au gré des notations de Hesse, se dévoile une véritable ascèse du jardinage qui n'exclut pas un sentiment de servitude parfois pesant. Mais cette servitude elle-même s'ouvre sur une conception de la liberté que n'aurait pas désavouée Spinoza : « au bout du compte, en dépit de toutes vos envies et de votre imagination, il faut vouloir ce que la nature veut ». N'est-ce pas là toute une philosophie ?
Le plus passionnant dans la lecture de ces très beaux textes est sans doute la manière dont l'âme de Hesse s'y révèle profondément ancrée dans la culture allemande.

On y reconnaît un esprit torturé, écartelé par l'ambivalence de toutes choses, sujet à l'exaltation la plus dionysiaque et à la mélancolie la plus sombre. Témoin ce passage où Hesse évoque la transition entre les derniers feux de l'été et l'arrivée de l'automne : « Malgré la chaleur oppressante de ces journées, je suis beaucoup dehors. Je sais trop bien comme cette beauté est passagère, comme elle fait vite ses adieux, comme sa douce maturité peut soudain devenir mort et dessèchement ».

Cette constante antithèse à laquelle l'homme fait face est particulièrement mise en (ombre et ) lumière dans le texte splendide intitulé « le Faucheur » . Nous sommes en plein été. Par un après-midi brûlant, Hesse flâne sur une route de campagne. Un paysan de ses voisins le rattrape : la faux sur l'épaule, l'homme s'en va faucher son champ. Les deux hommes échangent quelques mots. Hesse envie la force tranquille du paysan, sa nuque large, son pas énergique et sa connivence naturelle avec l'existence. Sonnent cinq heures. Hesse s'en retourne. Sur le chemin, il dépasse une charrette : un homme y est allongé, un foulard rouge sur le visage, les mollets ballant hors du charroi ; il semble dormir. C'est le faucheur de l'après-midi. Il est mort, terrassé par une crise cardiaque.

J'ai beaucoup aimé ce recueil : par la magie de son écriture, Hesse m'a transporté dans un univers que j'affectionne, celui des lieder de Schubert ou encore de certaines cantates de Bach dans lesquelles s'entrelacent de manière si poignante l'affliction et la consolation.
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