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Critique de Baldrico


L'ouvrage de Raul Hilberg est est le résultat d'une entreprise irremplaçable et fondatrice. Ce que nous savons par bribes, à propos de tel ou tel lieu, ou de telle ou telle personne, sur la shoah, se trouve ici rassemblé en une somme qui fixe le cadre et replace les éléments épars en un tableau cohérent. C'est magistral.
Ce premier tome est consacré aux préparatifs et à la première période de la destruction. Il comprend plusieurs phases: la définition, l'expropriation, la concentration et la destruction. La progression est inscrite dans l'idéologie nazie mais les méthodes sont construites au fur et à mesure, au gré des nécessités, des réalités et aussi des rivalités entre dirigeants.
Ce qui est frappant, c'est combien les nazis ont été méthodiques dans ce qu'ils appelaient "la solution finale de la question juive".
D'abord dans la définition. Pour éliminer une partie de la population allemande, il fallait d'abord déterminer de quelle partie il s'agissait. Les nazis ont alors tâché de déterminer qui était juif et qui ne l'était pas, en se fondant sur le nombre de grand-parents juifs (au moins deux), créant ainsi une catégorie intermédiaire de personnes qui n'étaient pas tout à fait allemandes mais pas vraiment juives non plus: les Mischlinge. Comme il était impossible de déterminer des critères raciaux, les grand-parents étaient considérés comme juifs s'ils pratiquaient ou avaient pratiqué la religion juive. Ainsi le racisme nazi se fondait sur un critère religieux!
Un autre enseignement frappant de ce premier tome est de constater à quel point le Reich nazi a été légaliste dans son entreprise de destruction. Ils avaient en horreur les flambées de violence spontanée, comme celles de la Nuit de cristal. Tout devait être planifié et organisé. D'où le nombre de décrets et de lois organisant le délire raciste.
Il fallait aussi tenir compte du fait que la population désignée comme juive jouait une rôle très important dans l'économie allemande. En détruisant les Juifs allemands, les nazis se sont privés de compétences et de capacités productives considérables. On comprend mieux dès lors comment le nazisme a été un nihilisme auto-destructeur.
Enfin, parmi beaucoup d'autres choses passionnantes, l'analyse de la composition des premiers commandos de tuerie qui ont sévi dans les territoires occupés à la suite de l'invasion de l'URSS, les Einsatzgruppen, montre qu'il ne s'agissait pas de brutes ou de repris de justice, mais de personnes éduquées, souvent de professions libérales, y compris des médecins. Là l'enseignement est effrayant: l'endoctrinement idéologique peut rendre n'importe quelle personne capable de tuer des dizaines d'individus dans la même journée, et au total des milliers.
On doit une énorme reconnaissance à Raul Hilberg d'avoir rassemblé patiemment tous les éléments qui permettent de raconter cette histoire incroyablement terrifiante. Je l'imagine travaillant jour après jour dans les fonds d'archives américains et européens, pendant des dizaines d'années. Et si la lecture de son ouvrage est évidemment éprouvante en raison des horreurs qu'il évoque, que devait ressentir jour après jour ce juif autrichien qui avait fui l'avancée des nazis? Pour tout ce qu'il nous transmet et nous apprend sur l'histoire de la shoah comme sur la nature humaine, le principal respect que nous lui devons est de le lire.
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