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Critique de GeraldineB


Un diamant noir, une poésie pure et sombre, profondément désespérée. Vladimir Holan était sans doute un quêteur d'absolu, un chercheur d'or et de vérité. Son écriture semble toujours tendue, exprimant une attente jamais comblée. Que nous dit le poète? Il crie sa déception et la colère de qui connait trop bien l'âme humaine.

"Méfiant, je suis devenu sauvage
aussitôt que j'ai connu l'homme..."

Mais il pleure aussi la solitude de celui qui a choisi de quitter les basses terres pour la haute altitude.

Ecrits entre 1949 et 1955, les poèmes qui composent "Douleur" sont ceux des années noires. En 1949, le poète accueille en son foyer Katerina, celle qui sera son unique fille mais, malheureusement, l'enfant est atteinte de trisomie. La même année, le Parti communiste, auquel le poète est affilié, accède au pouvoir et interdit à Vladimir Holan de publier ses ouvrages. L'année suivante, il en sera exclu. Se sentant alors étranger en son pays, il choisira de se retirer dans sa maison, sur l'île de Kampa au centre de Prague, avec sa femme et sa fille. Il n'en sortira quasiment plus. Déçu, blessé, Vladimir Holan préféra la réclusion volontaire à la fréquentation d'une société tchèque qui ne voulait pas entendre sa voix. S'ensuivent alors des années d'amertume, des années de terrible solitude pendant lesquelles il se consacre essentiellement à l'écriture, trouvant dans la poésie une consolation en même temps qu'un perpétuel tourment.
Car pour Vladimir Holan, écrire semble être un acte douloureux et le fruit de longues nuits d'insomnie. Il lui faut trouver la meilleure façon de dire ce qu'il ressent, trouver les mots les plus simples et les plus justes. Ainsi, de nuit en nuit, il creuse sa propre douleur, jusqu'aux frontières de la folie. Et son écriture saigne sous nos yeux jusqu'au noir du caillot.
A la lecture du recueil, j'ai ressenti toute la sincérité mais aussi toute l'exigence de ses poèmes et j'ai frémi en devinant le prix qu'il dut payer pour une telle ascèse." Douleur", oui, comme une douleur d'enfantement, douleur de l'écriture qui parfois se donne et d'autres fois se refuse jusqu'au bout de la nuit et plus loin encore.

"Comment vivre? Comment être simple et ne pas manquer de parole?
Toujours je n'ai fait que chercher le mot
qui n'eût été dit qu'une seule fois,
sinon le mot qui n'eût jamais été dit jusqu'alors.
J'aurais dû chercher des mots de tous les jours.
Même au vin non consacré
on ne peut plus rien ajouter..."

Après son exclusion du Parti communiste, Vladimir Holan chercha d'autres voies qui l'emmenèrent vers d'autres quêtes. Il chercha Dieu. Mais sur ce chemin aussi, il connut la douleur, celle de ressentir une soif qui jamais ne s'apaisa.

"Il est terrible de vivre, car il faut demeurer
dans l'épouvantable réalité de ces années...
Seul celui qui se suicide pense qu'il peut sortir par des portes
qui ne sont que peintes sur le mur...
Il n'y a pas le moindre signe que va venir le Paraclet...
J'ai mal au coeur de la poésie..."

Un peu comme on se penche sur l'eau noire d'un lac de montagne, le miroir et la profondeur de la poésie de Vladimir Holan ont exercé sur moi un charme magique. Quant à la traduction de Dominique Grandmont, elle est magnifique, sans doute parce que lui-même est poète. Qu'il en soit remercié.







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