Citations sur Les chants du large (23)
Elles parlent de quoi ? chuchota Molly, son souffle chaud dans le dos de Martha.
De sirènes, expliqua Martha.
Oh, fit Molly. Tu y crois, toi ?
Bien sûr que j'y crois.
Parce que tout le monde y croyait. Tout la monde croyait, tout le monde savait que les sirènes étaient les morts de la mer qui vous chantaient leur amour. Quand la pluie ou les vagues ne faisaient pas trop de bruit, vous pouviez les entendre dans le vent, la plupart des nuits.
Le manteau de la cheminée se couvrit de cartes, de cadeaux et la baie se remplit de bateaux. La plupart, restés en cale sèche depuis des années, étaient à peine fonctionnels et les gens colmataient comme ils pouvaient à l'aide de colle, de chaussettes, ou finissaient dans l'eau et le froid. Certains partaient de jour parce que Finn avait pêché de jour [ ... ], et d'autres pêchaient de nuit parce qu'ils l'avaient toujours fait. Certains restaient jour et nuit, jour et nuit, jour et nuit, là, dans la baie. Ils emportaient leurs cannes à pêche, leurs filets, leurs lumières, leurs jumelles, leurs radios, leurs livres, ou n'emportaient rien d'autre que l'espoir et du temps, beaucoup trop de temps. Finn naviguait entre eux quand il sortait sa barque le matin et les retrouvait le soir en rentrant sous le ciel couleur du lichen orange.
Martha monta à l'étage. Pour un sieste, dit-elle. Une petite sieste. Pour initialiser mes rêves, même si cela ne voulait rien dire parce que Les rêves ne sont pas quelque chose que l'on peut contrôler,pas comme ça.
Espérer ? Un faux espoir ?
Il n'a pas à être faux. A moins que l'espoir soit mort, à moins qu'il n'y ait rien, l'espoir, c'est juste de l'espoir,non? C'est juste quelque chose pour te réchauffer,un peu et...
Ce soir-là, le brouillard se leva et blanchit le coucher de soleil, les étoiles, la lune. Il se glissa sous les fentes des portes, à travers les fissures dans le plancher et le bois des fenêtres. Il se leva et couvrit la tour Eiffel en France !, la cérémonie du thé au Japon !, les piñatas au Mexique !, les sirènes dans l’Atlantide. Il se répandit sur les escaliers, s’enroula autour de Finn endormi et de Martha qui ne dormait pas, traversa ses cheveux comme un souffle, pressa sur sa tête comme des souvenirs.
Peu à peu, Finn vida les maisons et remplit la mer.
Il n’y avait pas d’appareils photo à cette époque, ils n’avaient pas de photos de chez eux et la plupart de ces marins et explorateurs ne valaient pas grand-chose en dessin, c’est pour ça qu’ils étaient marins et explorateurs et pas peintres, donc la seule, la meilleure façon pour eux de se rappeler leur pays, c’était de chanter, de reprendre les chansons et les airs de chez eux. Quand ils avaient le mal du pays, quand ils avaient besoin de se rappeler d’où ils venaient, il leur suffisait de chanter pour voir leur pays, pour se souvenir.
La pluie tomba, ce qui n’était pas bon pour l’accordéon, mais Finn continua à jouer, malgré la pluie, jusqu’à ce qu’il ait exécuté tous les airs. À un moment donné, au milieu de L’Herbe à coton, trois caribous apparurent au nord-ouest. Ils s’arrêtèrent à une centaine de mètres environ et, aussi immobiles que le lichen, attendirent la fin du morceau puis encore deux quadrilles et une chanson, avant de repartir par le chemin qu’ils avaient emprunté.
Ce qui se passe quand tu quittes l’endroit que tu aimes, expliqua Mme Callaghan, c’est que tu vieillis d’un coup et tu meurs (
Parfois l’eau était bleue, plus bleue que le ciel, ou bien sombre, verte, épaisse, ou bien à peine colorée, changeante, mobile, allant et venant comme si elle respirait.