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Critique de Shakespeare


« Tu sais comment on appelle le gras qu'y a autour du vagin ?
Non.
La femme. »

Daniel1 est comique. C'est un comique de notre temps qui joue avec le totem, le tabou, la provocation. Daniel25 est son clone du futur. Daniel25 doit commenter l'autobiographie de Daniel1. C'est un exercice qui constitue l'un des points clefs de l'enseignement de la mystérieuse Soeur suprême. Dans le futur, après les grandes guerres thermonucléaires et les bouleversements climatiques, les néo-humains sont des clones. Les autres humains, non clonés, des sauvages. Ils vivent séparément à la manière du Meilleur des mondes de Huxley. Daniel1, comme tous les humains du XXIème, a des sentiments, des convictions, des opinions. Il décrit à travers son autobiographie les péripéties de sa vie : de ses rencontres amoureuses à ses liaisons avec les élohimites - secte prônant la liberté des moeurs et la possibilité d'une vie éternelle à travers la résurrection. La possibilité d'une île est de ce fait un livre sur l'amour : l'amour physique, l'amour sentimental, l'amour politique. le récit de Daniel1 s'enrichit des réactions de ses multiples clones du futur.

C'est donc à travers le regard d'un comique, picaro des temps modernes, que nous découvrons la société du XXIème siècle. Daniel1 est un clown triste qui porte un regard cynique, cioranien, sur le monde. Sa plume percutante, acérée, sonne bien souvent juste. Notre protagoniste est lucide sur sa condition humaine comme sur sa condition personnelle. Il vieillit. Mais il aime. Et il aime l'amour et le sexe. Des désirs qui, eux, ne vieillissent pas. le temps est à ce titre une notion importante dans l'oeuvre de Houellebecq.

Si La possibilité d'une île parvient donc à éveiller notre curiosité grâce à un style direct, un regard critique sur la société contemporaine et au thème universel de l'amour, on ne peut toutefois s'empêcher de se poser des questions quant à l'honnêteté de l'auteur. Car si la construction du récit est intelligente, bien pensée, bien menée, alternant entre l'autobiographie de Daniel1 et les commentaires des clones du futur, le style de Houellebecq est quelque peu paradoxal. Certes, sa plume sonne juste, elle est percutante voire acérée... mais un peu à la manière du groupe FAUVE. C'est-à-dire qu'elle est efficace parce qu'elle est l'expression nerveuse de l'écrivain. On ne s'émerveillera pas devant une belle construction de phrase ou un style acerbe, mais on sera saisi par la brutalité avec laquelle l'auteur nous place devant telle ou telle idée. Souvent avec le goût de la provocation comme le rappelle la citation au début de cette critique.

Le style plaît ou ne plaît pas, des goûts et des couleurs on ne discute pas. En revanche, on peut discuter d'un autre aspect de l'oeuvre : la culture-confiture. Houellebecq multiplie ainsi les références et les débuts d'analyse, mais ne les pousse jamais à fond. On regrette que le personnage n'aille jamais trop loin dans ses pensées. Chaque début de réflexion sur les sentiments, la société ou la vie en général s'avère très intéressant mais ne dure jamais bien longtemps. Résultat : on reste sur notre faim et on se demande si l'auteur n'étale pas un peu sa culture. Toutefois, même si les analyses ne sont pas des plus poussées, le récit reste vraiment plaisant à lire.

La Possibilité d'une île est finalement difficile à critiquer. D'un côté, Houellebecq choisit un style nerveux, voire brutal par moments, de l'autre il construit son oeuvre avec finesse et élégance. Il porte un regard cynique avec des pistes de réflexions intéressantes sur l'amour, la société etc. mais ne prolonge jamais l'analyse. Lorsque Kundera analyse ses personnages, une situation ou un comportement, il le fait avec justesse et prend son temps. On a la sensation que Houellebecq fait exactement l'inverse : un paragraphe d'analyse de temps à autre et peu de véritables développements. le récit est suffisamment bien pensé pour nous pousser à le lire jusqu'à la fin mais après coup, on se demande : qu'est-ce qu'on a appris ? Houellebecq est comme un professeur qui veut enseigner mais qui ne sait pas enseigner. Au lecteur de trouver l'enseignement. Lorsque Franck Nouchi dans le Monde dit de ce roman que « vite vient l'envie de comparer sa propre lecture à celle des autres », il semble bel et bien avoir raison. Alors, qu'avez-vous pensé de cette oeuvre ?
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