J'avais la certitude que cette femme me détestait, qu'elle ferait tout pour me nuire. Et je savais aussi qu'il n'existait rien de pire au monde que d'être dans le collimateur d'une concierge. Grandes pourvoyeuses de prisons, véritables stars des périodes d'inquisition, elles alimentaient sans relâche la paranoïa des métropoles.
Je détestais les slips, et plus particulièrement depuis que la mode était aux vêtements étriqués. J'avais trop longtemps, adolescent, porté des jeans moulants, des pantalons et des slips taille basse qui me comprimaient la verge et les couilles. J'étais persuadé de m'être privé de quatre ou cinq bons centimètres en cédant à ces hérésies vestimentaires. Je songeai à toute cette génération libertaire, bohème, prétendue libertine, qui s'était emprisonné la queue dans un carcan de coton et de coutures plus rêches que la laine de verre. Avec le recul, j'envisageais sérieusement un ultime complot du christianisme. La mode unisexe ne tendait pas vers une égalité des sexes, mais vers une abolition, une abstraction. Je la haïssais.
Je n'allais tout de même pas retarder indéfiniment le moment de regagner mon appartement. De toute façon, elle m'y attendait. Et elle m'y attendrait toujours. Je la devinais patiente. Je ne nie pas, certes, avoir eu à plusieurs reprises la furieuse envie de m'enfuir, de rompre les amarres. Mais une séparation n'est généralement pas aussi simple qu'on le pense. Outre les attaches matérielles, l'absence de l'autre devient rapidement envahissante, douloureuse. Les questions que l'on se pose. Que va-t-elle faire ? Où va-t-elle aller ? Avec qui va-t-elle refaire sa vie ? On ne partage rien impunément.