AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Trains étroitement surveillés est un court récit, presque un huis clos, qui a l'originalité de se dérouler essentiellement dans une petite gare de Bohême pendant la seconde guerre mondiale.
Nous sommes en 1945 et l'armée du 3ème Reich semble ne plus être que l'ombre d'elle-même, mais vous le savez comme moi, une bête à l'agonie, en déroute, n'est jamais aussi dangereuse que lorsqu'elle est aux abois. Les Allemands savent-ils alors qu'ils ont déjà perdu la guerre ?
Pourtant ils continuent de faire transiter par cette gare des Trains étroitement surveillés autant par eux que par les partisans alentour...
Nous faisons la connaissance de quelques personnages pittoresques qui composent le personnel de cette gare, à commencer par le narrateur, le stagiaire, un jeune garçon très naïf, Milos Hrma, qui possède encore la virginité des premiers émois amoureux et dont la vexation d'un coeur épris pour la jeune et belle contrôleuse Macha n'a rien à envier au jeune Werther. Tout ça à cause d'une éjaculation précoce ! Hé oui, il existe aussi des trains qui partent avant l'heure et ce n'est parfois guère mieux que ceux qui arrivent en retard...
Il y a bien sûr le chef de gare, personnage touchant du haut de son quintal et de son nom à particule, - M. le baron Lansky de la rose, qui cultive une passion éperdue pour ses pigeons qui roucoulent dans le colombier tout près et qu'il bichonne toute la journée comme si c'étaient ses propres enfants. Il en oublierait presque les trains qui passent dans sa gare... Gare à sa prochaine promotion qu'il attend avec tant d'impatience !
Mais le plus croquignolesque de tous est sans doute l'adjoint au chef de gare, Hubicka, préposé à la sécurité qui, une nuit de garde passée avec une jeune télégraphiste, se retrouva à la faveur d'un jeu coquin pour briser l'ennui, à tamponner frénétiquement, - je n'ose pas dire à un train d'enfer, l'arrière-train de cette belle callipyge des chemins de fer d'État avec le tampon de la gare, la date du cachet faisant même foi...
Cet événement sera marquant dans tous les sens du terme et mettra en émoi toute la hiérarchie ferroviaire jusqu'au chef de district. C'est peu de dire que les ambitions du chef de gare, qui rêvait de devenir inspecteur des chemins de fer d'État, sont dès lors quelque peu compromises...
Ce récit qui tient à certains moments de la fable burlesque, regorge de petites scènes cocasses de ce genre, non pas pour faire oublier les affres de la guerre, mais pour les inviter dans la narration sous la forme d'une tragi-comédie.
Il y a des scènes poétiques et touchantes, très imagées, habitées par des personnages attachants que je ne suis pas prêt d'oublier. Il y a aussi une tristesse qui traverse les pages et nous étreint. C'est la guerre mille fois vue, mille fois écrite, dite d'une autre manière...
Non, je n'oublierai pas la générosité de cette jeune Tyrolienne, Viktoria, qui a le coeur sur la main et la main prête à aider ce jeune stagiaire à faire une entrée victorieuse et solennelle dans la grande vie.
L'horreur de la guerre n'est pas décrite ici à gros coups de panzers, mais subtilement, par quelques détours emplis de fantaisie et de poésie, qui rendent ce théâtre d'un monde en perdition empli d'humanité.
Il souffle aussi dans cette gare perdue au milieu de ce paysage solitaire de Bohême, un esprit de résistance, mêlant l'irrévérence au désespoir. Comment alors ne pas voir une forme de satire déguisée à l'égard de tous les pouvoirs totalitaires, à commencer par celui qui dirigeait la Tchécoslovaquie de l'époque où Bohumil Hrabal écrivait ce récit ?
Vous l'aurez compris, Trains étroitement surveillés est à l'opposé des romans de gare. C'est pour moi un petit chef d'oeuvre littéraire qui m'a fait découvrir un grand auteur tchèque, Bohumil Hrabal.
Commenter  J’apprécie          6646



Ont apprécié cette critique (64)voir plus




{* *}