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Critique de JeffreyLeePierre


Totor fait dans l'horrificque.

Je vais divulgâcher le dossier, cela m'évitera de le faire pour l'intrigue. Hugo se lance à vingt ans dans l'écriture de ce premier roman pour des raisons fort pratiques : bien qu'il soit déjà récipiendaire d'une petite pension royale pour ses talents de poète, il a besoin de démontrer à son futur beau-père que son métier d'écrivaillon est une garantie de revenu suffisante pour sa future épouse. Et, comme aujourd'hui, ce n'est pas la poésie qui assure le big money. Au XIXe siècle, c'est le roman, publié en épisodes dans les journaux puis vendu en ouvrage. Et donc il s'y colle.

Ce beau-père ayant assorti ses doutes d'une interdiction formelle aux deux jeunes gens de se fréquenter, cela influence un des thèmes du roman : le beau chevalier doit accomplir une prouesse qui l'éloigne de sa belle recluse, et les deux de soupirer chacun de son côté, ce qui fournit quelques pages. Si l'on ajoute à cette quête quelques intrigues bien vilaines de quelques méchants bien retors, dont la description donne d'ailleurs des moments réjouissants, on arrive à un joli pavé de 500 pages.

Et sinon, c'est surtout du romantisme noir, gothique. Inspiré semble-t-il de Walter Scott et principalement de son Nain noir, dont Hugo était fervent lecteur. Les paysages sont systématiquement lugubres, les amours longtemps contrariées, il y des scènes qui font p-p-peeuuur, d'autres censées émouvoir.

La psychologie des personnages est rarement subtile. le sera-t-elle jamais chez Hugo romancier ? Ses personnages seront plutôt toujours très typés, souvent « larger than life », et c'est déjà le cas dans ce premier essai.

Le tout me plonge dans un abîme de perplexité. C'est très bien écrit, il y a parfois un souffle épique, mais c'est aussi parfois gentiment neuneu ou grotesque. Et, dans le second cas, je n'arrive pas à décider si c'est volontaire ou s'il a vraiment écrit cela au premier degré. Parce qu'il y a des moments où ça sent quand même la pochade, par exemple quand il égratigne un grammairien latiniste, cf la première citation que j'ai ajoutée. D'autres fois, on se demande : quand il décrit la vie de famille du bourreau (cf autre citation), est-ce qu'il pense vraiment effrayer ? Dans ce cas, ce serait un peu grossier. Il y a aussi de la maladresse dans certains quiproquos, comme le chapitre XXIV, un grand moment de n'importe quoi.

Bref, j'ai préféré penser qu'il se jouait du genre et nous entraînait dans son jeu, ça passe mieux. Même si je crains que ce ne soit pas toujours le cas. Et que son inexpérience pour ce premier roman fasse ressortir davantage, si besoin, ce qui caractérise à mes yeux Hugo : admirable mais parfois tellement « trop » que ça en devient indigeste.
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