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Critique de Lamifranz


Dans son essai « Les soleils du romantisme », le grand poète Claude Roy pose carrément la question : « On ne fera croire à personne de sensé qu'un homme ordinaire ait pu être tout ce qu'a été Victor Hugo, c'est-à-dire le plus grand des poètes de son siècle, et un de ses plus grands dessinateurs, un homme politique et un Don Juan, un philosophe et un homme d'affaires, l'auteur dramatique le plus important et le romancier le plus populaire… »
Ben, la réponse est : Oui, Victor Hugo a bien été tous ces personnages, et plus encore…
« Les Chants du crépuscule », paru en 1835, comprend des poèmes dont la composition s'échelonne d'août 1830 (au lendemain des Trois-Glorieuses à octobre 1835.
Le mot « crépuscule » cristallise la pensée de l'auteur, telle qu'il l'exprime dans sa préface : « ce qui est exprimé parfois dans ce recueil, ce qui a été la principale préoccupation de l'auteur en jetant ça et là les vers qu'on va lire, c'est cet étrange état crépusculaire de l'âme et de la société dans le siècle où nous vivons ; c'est cette brume au dehors, cette incertitude au-dedans ; c'est ce je ne sais quoi d'à demi éclairé qui nous environne ». (Rappelons que le mot « crépuscule » peut désigner aussi bien le passage du jour à la nuit – crépuscule du soir, définition le plus courante – que celui de la nuit au jour – crépuscule du matin ; il exprime dans les deux cas un moment flou entre deux moments mieux définis).
On ne sera donc pas étonné si le fil rouge de ce recueil est le doute : doute politique : Hugo est ébranlé dans ses convictions monarchistes, mais n'est pas tout à fait convaincu par le duc d'Orléans devenu Louis-Philippe, et en même temps il a toujours ancré en lui, ce souvenir de l'épopées napoléonienne. Doute personnel : il ne le dit pas nommément, mais il est partagé entre sa passion nouvelle pour Juliette Drouet, et l'amour qu'il continue à porter à Adèle, son épouse et la mère de ses enfants. Ces deux thèmes parcourent tout le recueil, entrelacés avec un troisième qui nous est tout aussi cher, le lyrisme de la nature, déjà bien en place dans « Les Feuilles d'automne », un peu plus diffus ici, mais donnant lieu à de belles pages hautement poétiques.
Le premier thème, l'inspiration politique, a inspiré notamment « Hymne » (« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie… ») ; « Napoléon II » (« Mil hui cent onze ! O temps où des peuples sans nombre… » ; « Non, l'avenir n'est à personne… » ; « Oui l'aigle un soir, planait aux voûtes éternelles… ») ; sur le deuxième thème, l'amour de deux femmes (l'épouse et la maîtresse) lisez le magnifique « Date lilia » ; enfin sur le troisième, ne laissez pas passer « L'aurore s'allume », « Nouvelle chanson », « Autre chanson », « Au bord de la mer »…
Victor Hugo, partagé entre deux convictions, partagé entre deux amours, parvient à faire de ces divergences une unité, et, comme le dit Pierre Albouy : « C'est un des traits de la poésie de Hugo que cette complexe simplicité, au ras de l'humanité. Ici, comme dans les « Feuilles d'automne », poésie très – non pas trop – humaine… »
C'est sans doute une des raisons pour lesquelles Victor Hugo est si populaire : il est tous les personnages cités plus haut, mais avant tout, il est homme, (au sens d'être humain) dans toute la noblesse de ce mot.
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