AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Aquilon62


Comment le réel pouvait-il être aussi irréel ? Comment l'irréel pouvait-il être aussi réel ?
A la fin de la lecture de ce merveilleux roman, on est obligés de se poser au moins cette première question.
Et une seconde, pourquoi se sentir obligé de réécrire des histoires à hauteur d'héroïnes, alors que dans L Histoire il en existe qui ne demandent qu'à être révélées ?

Des découvertes des terres du grand Nord on connaît Frédéric Cook, Robert Peary, Roald Amundsen, mais on connaît moins voire pas du tout John Franklin découvreur du Passage du Nord-Ouest.
Ce fait de lui un héros au sens propre du terme
À 19 ans il se retrouve sur le HMS Bellerophon, qui affrontera la flotte franco-espagnole à Trafalgar, bataille qui vit la fin de Nelson, mais surtout qui fit de Franklin l'un des 8 survivants
En 1818, on lui confie le commandement du Trent accompagné du Dorothéa, à la recherche de la mer libre de glace, au pôle Nord. Bloqués par les glaces du Spitzberg, les deux navires durent rebrousser chemin.
Ensuite on lui confie l'expédition du Nord-Ouest, nommée "expédition Coppermine" . Ce qui lui vaudra le surnom de l'homme qui mangea ses bottes.... Il en écrira un ouvrage "Narrative of a Journey to the Shores of the Polar Sea"
Et enfin, c'est en 1845 qu'une expédition qui porte son nom part d'Angleterre avec  134 hommes à bord des HMS Erebus et HMS Terror.

Direction ces terres inhospitalières
"Vous ne savez pas ce que c'est, poursuivit-il d'une voix sombre. Ce n'est pas une terre inhospitalière. C'est une terre ennemie. Au sens propre. le froid, la glace, le vent y sont des armes furieuses et la blancheur qui y règne est celle de la mort. C'est une blancheur qui vous fait pâlir de terreur avant de vous saisir et de vous tuer. Personne n'a conscience de ce vide. Vous tous, vous êtes dans vos salons, dans vos bureaux… dans de belles maisons, à l'Amirauté, à la Société géographique royale… et vous voulez me faire basculer dans le vide, dans ce vide qui est ce qu'on peut imaginer de plus effrayant au monde."

Direction ces terres inconnues :
"Tous ces hommes – ces 129 hommes – avec John à leur tête étaient partis pour un lieu sans nom. Tout avait un nom en ce bas monde. Tout l'effort des hommes consistait à nommer et à classer. Et puis cet équipage était justement parti pour un espace sans nom, une étendue vide jusqu'à l'abstraction, une abstraction qui s'expliquait par l'absence de toute vie. Et cela, la stupide clairvoyante l'avait compris. Cela n'a pas de nom."

Soit dit en passant baptiser un bateau le Terror et l'autre Erebus, quand on sait que Érèbe est la divinité primordiale et infernale née du Chaos, personnifiant les ténèbres, l'obscurité des Enfers... Ensuite Érèbe est métamorphosé en fleuve pour avoir secouru les Titans. C'est ainsi qu'il donne son nom à la région des Enfers où passent les âmes des défunts, région située entre le monde des vivants et les Enfers. 
Voilà qui ne l'aise rien augurer de bon....

Nous sommes plongés au coeur même de cette aventure et des effet provoqués par ces contrées "Depuis quelque temps, cette étrange humeur qu'on nomme le mal du Nord s'était emparée de lui, ses pensées divaguant au sujet de la mort de Scott, et ses propos devenant incohérents. On ne savait ce qu'était ce mal qui s'emparait des corps et des âmes. C'était peut-être l'absence de soleil, de lumière, le froid permanent – ce territoire désespérant : l'âme en était brisée."

Je n'en dirais pas plus sur cette expédition, pour ne rien gâcher du plaisir de cette lecture

Mais LE personnage centrale de ce roman, c'est bien son épouse Jane. Et L'auteur de préciser en exergue de son ouvrage :
"Si étranges qu'ils soient, les événements relatés dans cet ouvrage sont authentiques. Les journaux de l'époque ont fait des recensions précises et circonstanciées des moments les plus surprenants de ce récit. Des témoins oculaires les ont consignés dans des ouvrages que chacun pourra consulter dans les bibliothèques nationales anglaise et canadienne. L'auteur s'est permis de les livrer aux lecteurs."

Si vous avez lu l'incipit que j'ai publié en citation le roman s'ouvre en 1847. Soit 2 ans après le début de l'expédition.
Qu'est-elle devenue,.... l'Amirauté n'en a cure, c'est là que la personne et la personnalité de Jane vont intervenir avec toutes les constantes de l'héroïne

Et c'est là également que le roman, va basculer de pont de vue et va venir y puiser toute sa force. L'auteur nous livre ici un superbe récit épris de sensations émouvantes, fortes, poignantes
Tout ce qui fait la force d'un bon roman historique ou Historique, car tout est vrai, est present, sens du recit, justesse des propos, une ecriture fluide, une reconstitution en tous points réalistes, à noter même la présence de Dickens ou Jules Verne.
Cette femme a l'énergie du désespoir, une force qui impose le respect, une détermination à toute épreuve, prête à tout :
" Tu regardes dans la boule cristalline des contes de fées et les ignares et les charlatans t'affirment qu'il est vivant mais comment des ignares et des charlatans mesmériques pourraient-ils te dire la vérité ? Ils se font de la publicité sur ton dos. Ils profitent de l'arête coupante des souvenirs, de la puissance du passé, de tous ces trucs qu'on imagine toujours lorsqu'un être aimé disparaît et qu'on aimerait retenir le temps, le tirer à soi comme un drap qu'on ramène jusqu'à sa tête pour se protéger de la nuit et s'enfouir dans une autre nuit."

J'ai ouvert cette critique par deux questions et au moment de la clore je me rends compte que en écrivant cette critique deux autres me viennent à l'esprit
Comment se fabrique une légende ?
Alors est-ce la littérature qui fait les héroïnes ou les héroïnes qui font la littérature ?
Alors est-ce la littérature qui fait les héros, ou les héros qui font la littérature ?

"Comment vivre en héros ? " est le titre d'un roman du même auteur publié en 2017, celui-ci apporte peut-être une réponse au féminin....
Petite note, ce roman a connu une genèse très compliquée, et 6 versions avant que l'auteur ne trouve LA clé nécessaire à sa publication, vous vous doutez maintenant quelle est cette clé, comme quoi l'histoire n'est qu'un question de point de vue....
Commenter  J’apprécie          162



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}