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Critique de NicolasElie


Une chronique de Mélanie & Yann sur Aire(s) Libre(s)
« Au début de son mariage avec Harold, elle avait renversé un verre de quelque chose. La traînée liquide avait couru sur la table, était descendue rapidement de la toile cirée jusqu'au plancher, et Harold lui avait dit « Tu as fait pleurer la table », à quoi elle avait répondu « Ce sont des larmes de joie », et lui de répliquer « Alors, elles doivent être miennes, madame Underwood ». Il avait souri alors, et quel sourire, un sourire à illuminer la pièce, le jour, le monde entier pour les siècles des siècles, amen. »
Huitième roman de Laird Hunt à paraître en France depuis 2005, Zorrie est placé sous le haut patronage de Flaubert et de son roman Un Coeur simple, roman que je n'ai pas lu, autant le dire tout de suite. Il reste cependant possible de parler de ce petit miracle de 236 pages en oubliant l'ombre du géant normand, c'est du moins ce que je vais tenter de faire.
Après la mort de ses parents alors qu'elle était encore enfant, la jeune Zorrie est élevée par une vieille tante sèche et amère auprès de laquelle elle apprend l'importance du travail dans une vie, mais parvient néanmoins à appréhender la beauté que peuvent nous offrir certains moments. Livrée à elle-même lorsque sa tante meurt à son tour, Zorrie va enchaîner divers travaux ici et là afin de pouvoir survivre avant d'entendre parler de la possibilité d'une embauche sérieuse à Ottawa. Quittant son Indiana natal, elle se retrouve ainsi à peindre au radium les chiffres sur les cadrans d'horloge commercialisés par la société Cadran Radium, aux côtés de celles que l'on appelle alors les « filles fantômes », à cause de la poudre de radium qui brille sur leur peau dans l'obscurité. Mais l'appel du pays est trop fort et Zorrie, malgré la tristesse de quitter les amies très chères qu'elle a connues à l'usine, reprend la route de la maison. Elle y passera le reste de sa vie.
Il n'y a rien de spectaculaire dans ce roman qui parvient pourtant à nous toucher au coeur à chacune de ses pages ou presque. Laird Hunt se fait le narrateur respectueux et discret de cette existence presque entièrement vouée au travail et cependant traversée d'émerveillements fugaces. Si la vie de Zorrie, comme toute existence, connaît son lot de drames et de disparitions, la jeune femme, portée par une force intérieure dont elle a du mal à prendre la mesure, avance tant bien que mal sur le chemin de la vie, inspirant le respect à celles et ceux qui la côtoient.
Émouvante, voire bouleversante, Zorrie est une héroïne du quotidien, une femme simple et digne, courageuse et discrète, qui jamais ne baisse la tête ni les bras. le grand talent de Laird Hunt est de parvenir à nous toucher en gardant une sobriété exemplaire tout au long de son récit. Même le drame des ouvrières de Cadran Radium contaminées par la poudre magique qu'elles ont manipulée pendant des années, est abordé de façon retenue, sans épanchement excessif d'émotions qui nuirait finalement à la portée du roman.
La suite, sur Aire(s) Libre(s) :
Lien : https://aireslibres.net
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