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Critique de Ambages


« La vie dans l'amour fou est une série de maintenant, étayée par un passé soigneusement censuré et par un avenir nébuleux. »

Il était une jeune allemande, Saffie, qui « semble avoir tout compris, à tout sujet, depuis toujours ». Elle arrive à Paris une dizaine d'années après la fin de la seconde guerre mondiale. Elle ne possède qu'une petite valise et des silences (énormes eux). Saffie c'est un simple « fétu de paille sur les eaux noires de la tourmente ». Elle trouve rapidement un emploi de bonne à tout faire chez M. Lepage, flûtiste renommé. Bonne à tout faire, son employeur va l'entendre comme il le souhaite car il n'est pas habitué à entendre les silences autres que ceux des portées. Rapidement mariés, ils ont un enfant Emil. Alors qu'elle apporte une flûte pour une banale réparation d'un Do récalcitrant, elle va pour la première fois depuis bien longtemps, voir les gens autour d'elle. Commence alors une double vie pour Saffie et Emil.

« Rive droite, rive gauche. le Hongrois, le Français. La passion, le confort. »

Avec lui elle découvre l'amour, les ravages de l'holocauste, la guerre d'Algérie, les différences. Dans ce quartier pauvre du Marais, « l'Allemande donne à boire à l'Algérien dans la cour du Hongrois, au milieu des riffs de jazz syncopés des Afro-Américains. » Elle comme lui sont des blessés de guerre, chacun dans un camp. Ce qui les rapproche aussi. « Ils ont enfin touché là à l'essence de leur amour, à son noyau secret et sacré. En l'autre, c'est l'ennemi qu'ils aiment. »

Mais Saffie parle peu, elle le dit si bien : « Nous les allemands, on a tous un mur de Berlin dans la tête. (...) Un mur entre ce qu'on peut dire et ce qu'on ne peut pas dire... Entre les question qu'on a le droit de poser... et les autres. » Il n'empêche elle retrouve Andras pendant des années car grâce à lui « l'atroce irréalité des choses est écartée. » Mais ce n'est pas ainsi qu'on guérit. Parce qu'il y a l'enfant, Emil qui vit entre deux hommes, on lui apprend la double vie... Parce qu'il y a le père d'Emil, l'époux de Saffie... Parce qu'il y a les démons d'Andras... Et parce que « le mur contre lequel on s'écrase après le tournant, c'est le mur de soi. »

« Nous ne savons guérir notre douleur, seulement la transmettre, la donner en héritage. Tiens chéri. »

J'ai aimé ce roman, car l'aventure d'Andras et de Saffie fait des liens avec d'autres moments dramatiques de notre histoire, et c'est bien amené. En outre l'écriture de Nancy Huston est très agréable. Je trouve qu'elle ne manque pas d'aplomb en apostrophant le lecteur, de manière parfois surprenante : « A chaque fois il pense avoir fait le tour et puis non, il y aura toujours quelqu'un pour venir lui raconter encore un autre drame, une autre horreur, c'est littéralement inépuisable. Quelle aubaine pour les romanciers, cet Hitler ! »

Elle a raison Saffie : « Oh ! J'en ai marre ! Toujours la guerre, la guerre, LA GUERRE ! »
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