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Critique de Hapax


Les hasards de l'édition électronique m'ont mis en contact avec ce roman, le troisième de l'auteur, lequel semble rencontrer un certain succès : la librairie électronique que je visite régulièrement l'offrant gratuitement, pourquoi pas ? D'autant que j'aime bien les britanniques. En deux clics, le voici installé sur ma tablette.

D'entrée, on pourra remarquer un petit glissement de sens entre les titres anglais et français, de Tale (récit ou histoire) à Journal. Certes rédigé à la première personne, le texte s'adresse souvent à un éventuel lecteur ; mieux, on pourrait dire à un auditeur, tant il est « parlé » -- familiarité du style, des expressions, des confidences...

Si l'auteur trouve sa veuve « rather compelling » (voir l'entretien cité ci-dessous) -- le créateur peut bien s'énamourer de sa créature --, j'ai vu en elle un personnage éminemment narcissique, dont le mépris pour son environnement -- gens et objets -- ne sert qu'à mettre en évidence une prétendue supériorité sur autrui destinée à masquer sa propre médiocrité, et que vient à peine nuancer une insupportable auto-dérision : « Je m'enorgueillis de mon caractère impitoyable, de mon absence complète de sensiblerie » ou encore : « Je suis peut-être complètement asociale. Ce qui est sûr, c'est que j'aime avoir mon mot à dire sur ce qui va et qui vient » et même : « Je me sens comme une étrangère sur terre. J'ai des problèmes avec la réalité ». D'ailleurs, son babillage infantile ne nous apprendra rien d'elle outre son âge -- la soixantaine, donc une baby boomer -- et son état de veuve : même pas son nom -- une femme sans qualité. En fait, elle constitue l'archétype de l'individu contemporain décrit par le sociologue français Alain Ehrenberg dans ses essais L'individu incertain et La fatigue d'être soi, un être aliéné dans une société apparemment égalitaire et pourtant résolument compétitive : chacun vaut chacun, d'une part, et, d'autre part, chacun contre tous.

Par quel masochisme, donc, ai-je poursuivi la lecture de ce texte en dépit d'un sentiment croissant d'exaspération ? Vivre avec un personnage envers lequel on n'a aucune sympathie est une chose, mais aucun intérêt ? Sauf à vouloir apprendre les conséquences de la consommation d'asperge sur l'urine ou la meilleure façon de soulager sa vessie derrière une auto. Certaine critique louage l'auteur pour sa création d'un personnage féminin : la belle affaire ! Et Flaubert avec Bovary ? Autre sujet d'agacement, à plusieurs reprises, le lecteur est confronté à ce que, dans les milieux littéraires, on appelle l'aporie du récit : par exemple, quand un auteur se fend de plusieurs pages sur son incapacité d'écrire.

Soudain, un éclair : et si cette veuve, c'était moi, le lecteur ? Et si l'auteur, par quelque alchimie retorse, avait fait de moi, avec ce récit improbable, un insupportable atrabilaire -- témoin mon commentaire ? Peut-on pousser si loin la perversion ? Diantre ! en tout cas, il aura réussi à me faire douter de moi comme lecteur : si je suis elle, je ne m'aimerai guère, et pourquoi persister à lire ?
Lien : http://les-cendres-et-le-plu..
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