Elle était tombée enceinte, elle avait même dit à Tyler qu’il allait avoir un enfant, qu’il le veuille ou non. Elle avait nourri l’espoir qu’il changerait en apprenant la nouvelle, qu’il se rendrait compte qu’il l’aimait, et qu’il l’épouserait. Elle déglutit avec difficulté. Ça faisait deux semaines maintenant. Tout avait changé depuis. Elle avait eu des saignements, des crampes et… une tristesse infinie l’habitait.
Même avant de monter à cheval, chaque campeur devait brosser son animal, le nourrir, s’assurer qu’il avait bu, que ses sabots étaient en bon état, puis vérifier celui de la selle et de la bride. Ensuite, après la promenade, il fallait le nettoyer. Sans parler de tous les chants à apprendre, de la cérémonie du drapeau et du catéchisme.
Comment pouvait-elle oublier ce garçon, enfin, cet homme, à dix-huit ans, avec ses cheveux blonds comme les blés, ses traits anguleux et ses yeux noisette qui semblaient transpercer les siens et regarder son âme ?
Elle savait que ça relevait du fantasme. De sentiments que sa mère aurait qualifiés d’amours adolescentes, de béguin de jeunesse, de rien du tout.
Elle avait beau penser à sa famille et à ses amis, des images fugitives surgissant dans son esprit, aucun souvenir n’était assez fort pour la dissuader, il n’y avait rien de permanent, de stable, qui pouvait la forcer à s’accrocher et à trouver une lueur d’espoir.
Elle était perdue.
Elle était arrivée au début de l’été, remplie d’excitation à l’idée de travailler avec des enfants, de répandre la parole de Dieu, de clore en beauté sa vie d’adolescente, avant d’entamer l’université à l’automne. Mais à la place… Oh ! mon Dieu. Elle avait connu haine et souffrance, amour et rejet, et découvert la trahison, une trahison si abjecte qu’elle lui glaçait l’âme.
Et elle avait péché.