Roy Grace, tome 4 : Tu ne m'oublieras jamais

Lors d’une récente visite médicale, le médecin lui avait demandé combien d’unités d’alcool il consommait par semaine. Il avait répondu dix-sept – un mensonge – en se disant que, moins de vingt, ce devait être raisonnable pour un homme. Le médecin avait fait la grimace et lui avait conseillé de passer en dessous de la barre des quinze. Un peu plus tard, il avait trouvé un site Internet lui permettant de calculer le nombre exact et avait découvert que sa moyenne hebdomadaire était de quarante-deux verres. Grace à la nuit précédente, il allait sans doute doubler ce score cette semaine. Il se jura de ne plus jamais boire une goutte d’alcool.

Il avait pris un maximum de paracétamol – qui ne lui faisait aucun effet – et mâchait un chewing-gum pour masquer son haleine qui devait puer l’alcool. Il avait laissé sa voiture au pub et s’était dit qu’il la récupérerait dans la matinée. Une promenade lui ferait le plus grand bien.
Son incapacité à contrôler sa consommation d’alcool commençait à l’inquiéter. Et on ne pouvait pas dire que Cleo l’aidait beaucoup, car elle-même avait une sacrée descente, ça l’aidait sans doute à oublier les horreurs auxquelles elle était confrontée dans le cadre de son travail.

Elle l’entendit approcher. Il apparut avec un verre de whisky dans une main et une cigarette dans l’autre. La douce odeur de tabac lui fit terriblement envie. Elle aurait tout donné pour tirer dessus ne serait-ce qu’une fois. Et pour une gorgée de whisky, d’eau, de n’importe quoi.

En règle générale, quand une femme mariée disparaît, le mari est le premier suspect, jusqu’à ce qu’il soit mis hors de cause. D’après ce que j’ai lu et entendu, votre beau-fils n’a jamais été officiellement considéré comme un suspect.

Ma mère avait l’habitude de dire que la vie est une série de chapitres. Elle change en permanence.

Lizzie n’était pas la seule jolie femme de la Sussex House. La commandante Kim Murphy avait elle aussi un physique plus qu’agréable. Les mauvaises langues avaient d’ailleurs un jour déclaré que le meilleur moyen de monter en grade était d’être une bimbo. C’était complètement faux, bien sûr, car les deux femmes méritaient leur promotion, et ce malgré leur jeune âge.

Un poème qu’il avait appris à l’école lui revint en mémoire. L’un de ses auteurs préférés, Rudyard Kipling. Le meilleur écrivain du monde. Kipling s’y entendait en matière de pouvoir, de contrôle et d’empire à bâtir.

George Bush était à l’écran. Il portait un costume sombre et une cravate orange. Il se trouvait au fond d’une salle de classe, devant un petit tableau noir ; des dessins d’enfants étaient accrochés au mur derrière lui. Sur l’un d’eux, un ours faisait de la bicyclette avec une écharpe rayée. L’homme en costume qui se trouvait à côté du président lui chuchotait quelque chose à l’oreille. L’instant d’après, on vit les restes d’un avion au sol.

Il savait que les journalistes locaux couvraient toutes sortes d’affaires : morts violentes, accidents de voiture, agressions, cambriolages, disparitions… Des gens agités, Spinella en rencontrait tous les jours. Mais il avait beau être encore jeune, il savait faire la distinction entre les gens nerveux et les gens qui ont quelque chose à cacher.

Il n’avait aucune affection pour les salles d’autopsie, à aucune heure du jour ou de la nuit, encore moins avec une gueule de bois. Cet endroit ressemblait à une salle d’opération et à une usine. Le plafond en aluminium, avec ses spots encastrés, était parcouru de gros tuyaux d’évacuation ; des murs sortaient des dizaines de bras articulés, auxquels étaient branchées des lampes et des prises électriques pouvant être dirigées vers n’importe quelle partie du corps autopsié. Le sol était d’un bleu profond, comme pour apporter un peu de gaieté à la pièce. Le long des murs se trouvaient des plans de travail, des chariots sur lesquels étaient posés des instruments chirurgicaux, des poubelles rouges avec des sacs jaunes et des tuyaux.