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Critique de Woland


The Private Patient
Traduction : Odile Demange

ISBN : 978-2253133742


C'est l'un des derniers romans de P. D. James et, disons-le tout net, ce n'est pas son meilleur. Avec près de six-cents pages en format Livre de Poche, de belles descriptions, certes, mais qui font parfois "remplissage" et des personnages que je qualifierai de "mous" ou alors de "stéréotypés", "Une Mort Esthétique", bien qu'il parvienne à accrocher son lecteur, surtout si celui-ci est un inconditionnel de la romancière britannique, reste plutôt indigeste. L'ambiance, pourtant, est très bien posée et même, à certains moments, inquiétante avec un naturel tel qu'on se demande comment l'auteur y est parvenue.

Il faut dire que l'intrigue se déroule dans un vieux manoir anglais du XVIIIème, rénové cela va sans dire pour répondre aux normes exigées par une clinique d'esthétique de luxe. le contraste entre Cheverell Manor et tout ce qui y témoigne d'un passé glorieux, et le modernisme réclamé par les nouvelles activités de ceux qui l'occupent, peut en déstabiliser certains. Mais en général, le décalage est agréable. Pour faire vraiment "couleur locale", il y a en prime "les pierres de Cheverell", tout à côté, où jadis fut brûlée une jeune sorcière, Marye Keyte, dont le spectre vengeur passe pour errer la nuit sur les lieux de son supplice. de fait, bien que cela agace particulièrement le Dr Chandler-Powell, directeur de l'établissement, on aperçoit régulièrement des "feux" et des "lumières" du côté des pierres ... (Lui-même va parfois s'asseoir la nuit parmi elles, simplement pour se sentir bien : comme quoi ... )

La patiente qu'il s'apprête à recevoir pour la débarrasser enfin d'une cicatrice que lui a laissée la violence de son père dans son enfance, n'est autre que Rhoda Gradwyn, célèbre et très sérieuse journaliste d'investigation qui, comme tous les membres de sa profession, ne dédaigne pas de fouiner par-ci, par-là, pour dénicher un scandale, récent ou beaucoup plus ancien. L'essentiel, c'est que les rotatives tournent à plein temps et que les gros titres s'arrachent comme des petits pains . Toutefois, si Rhoda vient à Cheverell-Manor, c'est initialement pour des raisons personnelles et donc esthétiques. Ce n'est qu'après un entretien avec la jeune servante du coin, Sharon, - et une visite guidée du parc et des fameuses pierres - que son comportement semble changer imperceptiblement. le limier journalistique dresse le museau et flaire ...

Mais quoi ? Et surtout, est-ce quelque chose en rapport avec son assassinat ? ...

Car, dans la nuit même qui suit une opération très bien réussie, une créature étrange, dont Rhoda jurerait qu'elle porte un masque de peau, s'introduit dans sa chambre et étrangle la jeune femme.

Les tabloïds anglais sont en deuil et combien de temps, se demande le Dr Chandler-Powell, pourra-t-on retenir la meute ? Une clinique privée célèbre et luxueuse, une journaliste brillante et reconnue par ses pairs de façon unanime, une opération de chirurgie esthétique et enfin, un meurtre : comment pourraient-ils y résister longtemps ? Et puis, Rhoda peut bien être morte en raison de son métier. Et puis ...

La machine aux rumeurs, cancans, suppositions (même les plus ineptes ) se met en route illico presto et Chandler-Powell, pourtant si flegmatique, s'en taperait bien la tête contre les murs. Mais comment s'opposer, notamment à l'enquête qui amène au manoir le commandant Dalgiesh, le policier-poète que nous connaissons bien, et toute son équipe, dont Benton-Smith et Kate Miskins (je ne vous garantis pas le nom de cet excellent officier de police mais je vous précise qu'elle est amoureuse de son chef, mais sans espoir.)

A l'atmosphère non pas dérangeante mais très spéciale de la demeure, au crime lui-même, s'ajoute une équipe médicale et administrative qui recèle pas mal de tensions. Ainsi, Chandler-Powell aimerait bien qu'on ignore qu'il est sur le point de rompre avec son infirmière préférée (très compétente, soit dit en passant), Flavia Holland. N'oublions pas la Directrice administrative qui descend, en droite ligne, des anciens propriétaires des lieux. Et puis, il y a Robin Boyton, un ami de Rhoda et un parent de la famille, qui loge dans un pavillon lorsqu'il le désire ... et qu'on retrouvera mort, enfermé dans son propre congélateur. Ah ! ne pas oublier l'attendrissant petit couple de Kimberley et David, les jeunes cuisiniers et insister sur le fait que Mog, l'homme a tout faire des lieux, a vraiment une sale tête.

Et pourtant, la fin déçoit, quelque chose manque ou alors elle est trop simple si on la compare à l'amas de renseignements et de soupçons et d'indices que l'auteur sème dans les deux tiers du livre.

Quoi qu'il en soit, Dame P. D. James fut un très grand auteur de romans policiers britanniques, celle qui n'hésitait pas à évoquer très nettement (et sans prêchi-prêcha) les questions spirituelles tandis que sa grande rivale, Ruth Rendell, elle aussi désormais décédée (à Londres, le 2 mai 2015, sacrée foutue année ! ) s'intéressait plus au psychologique - et avec quel génie, on peut le dire ! Ne lui disons donc pas un "au-revoir" teinté d'amertume : on ne gagne pas à tous les coups et elle nous laisse deux héros qu'on n'oublie pas : Dalgliesh bien sûr mais aussi Cordelia Grey.

Si ce n'est déjà fait, découvrez-la et, si possible, commencez par le début - là, j'avoue qu'il y a un tel désordre chez moi que je ne trouve plus les premiers livres que j'ai d'elle. Mais croyez-moi : je les retrouverai ! ;o)
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