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Critique de boudicca


La sortie d'un nouveau roman de Jean-Philippe Jaworski est toujours un événement pour les amateurs de littératures de l'imaginaire, aussi est-ce avec enthousiasme que je me suis jetée sur la troisième partie du deuxième tome de la série « Rois du monde » (ça va, vous suivez ? Parce que ce n'est pas évident de s'y retrouver dans les différents tomes / branches / parties !). L'auteur y met en scène un personnage évoqué par Tite-Live dans l'un de ses textes racontant la première invasion de l'Italie du nord par les Celtes : le conquérant Bellovèse. [Attention aux spoilers pour les lecteurs qui n'auraient pas lu les précédentes parties.] Nous sommes au premier âge du fer, et les peuples celtes, fédérés jusqu'à présent sous l'autorité du haut-roi Ambigat, commencent à renâcler et à se rebeller. le propre frère de notre héros, Ségovèse, a rejoint le camp des rebelles et se lance aux côtés de ses alliés à l'assaut du Gué d'Avara, la place-forte dans laquelle le haut-roi et les derniers chefs qui lui sont fidèles se sont retranchés. La situation est désespérée, mais Bellovèse y voit aussi une formidable opportunité de prouver sa fidélité à son oncle et de renforcer son prestige auprès des plus grands guerriers du monde celte. Si la deuxième partie de « Chasse royale » faisait la part belle à la magie et aux intrigues de cours, cette troisième partie nous replonge en plein dans la violence des combats. le changement d'ambiance est assez radical, et, si la trame générale avance relativement peu, on est malgré tout ravi de voir Bellovèse de retour au coeur de l'action. Quoique relativement simple, l'intrigue est ici rythmée par plusieurs rebondissements qui entretiennent la curiosité du lecteur et constituent bien souvent pour lui une aussi grande surprise que pour les personnages.

L'immersion est une fois encore totale, et ce dès les toutes premières lignes qui nous replongent dans la fureur des combats et les intrigues ourdies entre les différents camps de cette guerre intestine. le récit suscite toujours l'admiration par sa documentation impeccable qui permet à l'auteur de nous dépeindre avec un luxe de détails l'organisation d'une place-forte, l'armement prestigieux revêtu par les guerriers les plus renommés, ou bien les stratégies militaires adoptées. Tite-Live est évidemment loin d'être la seule source de l'auteur qui puise aussi beaucoup dans l'archéologie. On devine dans la description des armes, des armures, des heaumes ou des chars dont l'auteur nous révèle le moindre détail et ornement qu'il s'agit là de véritables objets qui sont parvenus jusqu'à nous. L'auteur réutilise également un certain nombre de mythes et met en avant quelques unes des figures les plus emblématiques du panthéon celte (même si c'est ici plus ténu que dans les précédents tomes). Et c'est ce que j'aime avant tout dans les romans de l'auteur qui a bien compris qu'on n'immerge pas le lecteur dans une époque uniquement grâce à la précision avec laquelle on dépeint le décor, mais aussi et surtout grâce à la manière dont on parvient à lui faire comprendre la mentalité de l'époque. Les Celtes étant persuadés que les dieux marchent parmi les hommes et interfèrent dans leurs histoires, Bellovèse l'est également, et le lecteur se retrouve incapable à son tour de savoir s'il s'agit de simples superstitions ou de véritables manifestations surnaturelles. La beauté de la plume de l'auteur joue évidemment beaucoup : le style est toujours aussi soigné sans pour autant ne jamais devenir pompeux ou indigeste. C'est lors des scènes de bataille que son talent s'exprime toutefois avec le plus de brio, cette troisième partie comportant là encore son lot de combats épiques, quant bien même il ne s'agit chaque fois que d'escarmouches et non de véritables batailles rangées.

Finalement, le plus gros point noir de ce roman ne réside pas dans le récit en lui-même mais plutôt dans son découpage. Il faut dire que la série « Rois du monde » connaît depuis plusieurs années une planification pour le moins mouvementée. Ce qui devait à l'origine être une trilogie a en effet été scindée au fil des parutions en plusieurs parties, et ce au mépris de la cohérence de l'oeuvre. Ainsi, au lieu d'avoir une trilogie en trois tomes on devait dans un premier temps en avoir quatre. Pourquoi pas... Puis on a appris que le second tome serait divisé non plus en deux parties mais en trois. Et puis finalement ce sera quatre parties pour le deuxième tome mais pas de troisième volume pour le moment, la parution de « La grande jument » qui devait venir conclure la série ayant été repoussée jusqu'à une date inconnue (tout cela est expliqué de manière plus détaillé dans cet article). Ces petits couacs éditoriaux n'auraient rien de bien dramatiques si le découpage répondait à un véritable besoin : si le deuxième tome était effectivement amené à faire plus de 800 pages, on aurait pu comprendre la nécessité d'une scission. le problème, c'est qu'aucune des trois parties sorties jusqu'à présent n'excède les 300 pages (le prix de vente, lui, reste évidemment le même…) et rien dans le texte en lui-même ne semble justifier de coupure (l'auteur lui-même le confirme dans cette interview), si ce n'est la nécessité pour l'éditeur de maintenir la régularité des parutions. Là encore, on pourrait pardonner l'initiative si le récit n'avait pas à en pâtir, or c'est malheureusement le cas. Difficile de pas avoir le sentiment de rester sur sa faim en refermant cette troisième partie de « Chasse royale » qui donne trop souvent l'impression de ne pas faire avancer l'intrigue d'un pouce, et ce à la plus grande frustration du lecteur (frustration qui n'aurait pas lieu d'être s'il s'agissait d'un simple long passage au sein d'un roman plus long, comme prévu au départ).

Une troisième partie à la hauteur des précédentes, bien écrite, bien documentée et toujours aussi immersive. Reste le problème du découpage qui nuit malheureusement à l'oeuvre : c'est déjà énervant lorsque le texte est plutôt pas mal, mais c'est d'autant plus regrettable lorsqu'il s'agit de Jean-Philippe Jaworski ! Les lecteurs doués de patience feraient ainsi bien mieux de différer la lecture de cette troisième partie et d'attendre la sortie de la quatrième (prévue pour mai) afin d'enchaîner les deux : voilà qui rendra davantage justice à l'oeuvre et à son auteur.
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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