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Critique de berni_29


Je suis entré dans ce livre à tâtons. Il fallait bien des gestes pour vous en parler. Alexis Jenni est davantage connu pour avoir été récompensé du prix Goncourt en 2011 pour l'Art Français de la Guerre. Ici, dans l'Attente de toi est un objet insolite, je ne sais pas comment on pourrait le qualifier. C'est une sorte de longue lettre d'amour à l'être aimé, une femme qu'il aime, qu'il a aimée, et pour laquelle il a convoqué l'art, le désir et les mots.
L'attente est quelque chose qui brûle au fond de nos veines, parfois l'être aimé est là-bas sur l'autre rive. Il suffit de tendre les doigts qui tremblent, comme un cœur qui bat. Il suffit de franchir le gué... Mais voilà, le chemin n'est pas toujours aisé.
Ce livre est une caresse. Les pages viennent nous effleurer jusque sous la peau. J'ai senti comme un frisson dès ses premières pages. Je risque ici de vous dire des choses intimes, ce que je ressens du désir de la personne qu'on aime, ce que j'ai ressenti à la lecture de ce livre, là sous ma peau, comme des gestes qu'il me faudrait peut-être vous dévoiler. Ce sont des mots qui inventent des chemins sous les draps.
Et puis parfois, au premier abord, les mots de l'auteur ne viennent pas facilement, il le reconnait humblement, sans doute à cause de la pudeur. Il faut d'autres chemins, celui de l'art par exemple, la peinture, quelque chose de transgressif, quelque chose qui délivre la parole et les gestes pour dire enfin le trouble de la peau et d'autres choses tout aussi exquises aussi...
Ce livre est un objet insolite avec des représentations de tableaux. On y croise aussi des photos de Francis Bacon et de son amant. J'ai trouvé particulièrement touchants et cocasses ces instants cueillis dans l'intimité de l'artiste.
Ce livre est une invitation à cheminer, à aimer, à se chercher. Ce livre est une errance, une invitation à enfin se perdre dans nos sentiers les plus intimes.
J'ai aimé ce regard, j'ai aimé ces mots, je m'en suis imprégné comme dans une forme d'ivresse où brusquement le vertige prend la main. Parfois j'aime qu'on me prenne la main pour me guider là où je ne sais pas où je suis, là où soudain tout vacille, là où je suis invité à venir parce qu'une fenêtre s'ouvre dans un courant d'air.
Avec l'auteur, nous visitons des villes abandonnées le temps d'une nuit, des pas dans la rue où frémit déjà l'odeur du désir, une chambre qui bascule dans l'ombre encore inconnue, des gestes qui viennent dans cette chambre, cherchant à éteindre la lampe tandis que les corps se cherchent comme des funambules au-dessus du vide.
Faute de mots pour le dire, l'auteur s'aide par la peinture, le geste des autres. Bonnard, Fragonard, Picasso, Poussin. Et aussi Francis Bacon comme je vous l'ai dit tout au début de ma chronique. Nous découvrons aussi des photos de Rodin.
Ici, c'est la lueur d'un corps nu dans le fragment de la nuit. Un corps que l'on aime pour s'y perdre presque à jamais. La nuit est une agitation douce et silencieuse, qui donne sens aux corps qui vibrent comme l'accord d'une partition musicale.
Tout est rivage ici. Tout est dialogue. Un dialogue entre les tableaux de peintres et les mots de l'auteur. L'instant devient sublime. Est-il possible que le temps s'arrête dans des gestes qu'on croyait insoupçonnés ?
Plus tard, sur ce corps reposé vient un baiser. Ce baiser est apaisant, c'est un réconfort. C'est une ode aux corps inachevés et à leurs imperfections. C'est un livre qui nous réconcilie avec l'imperfection de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être. Nous avons besoin d'aspérités pour vivre, tenir debout et ce livre nous délivre ce message de manière réconfortante et magistrale.
Ce livre convoque aussi des écrivains, Cendrars par exemple, mais toujours en faisant venir leur regard sur la peinture et l'usage des corps dans cet art.
À travers les pages, l'auteur continue d'effleurer la peau de celle qu'il aime. Mon coeur fut comme une balançoire dans cette lecture grisante.
Ici nos yeux caressent les pages de ce livre merveilleux comme des mains et les mots viennent comme des dessins dans les nuages. Quand j'étais enfant, je m'allongeais bêtement dans un champ ou dans mon jardin pour contempler les nuages qui peuplaient mon ciel breton, forcément peuplé de beaucoup de nuages, mais donc aussi de beaucoup d'imaginaires. Les ciels bretons regorgent d'images érotiques, je vous l'avoue à présent.
J'aime ce livre qui invite à voir, à toucher, à sentir. Quoi de plus beau que cette exquise invitation à vivre en harmonie avec nos sensations !
Je referme ce livre et je ne vous dirai pas ce que mes gestes du soir viendront éveiller comme étoiles nouvelles dans ma nuit.
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