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Critique de Deleatur


Il y a comme ça des livres qui n'ont pas de chance. Et le pire est qu'on le sait souvent à l'avance, simplement parce qu'on ne les ouvre pas au bon moment. Quelque chose, opiniâtrement, entravera leur lecture : c'est une certitude lancinante que l'on a dès la première page, et qui se constate jour après jour. Mais on poursuit néanmoins. On s'obstine. On veut croire que.

Qu'est-ce qui m'a pris de me lancer dans ce pavé de huit cents pages en plein mois d'octobre, alors que je tirais la langue pour boucler mes cours et atteindre les vacances de Toussaint, alors que je n'avais déjà plus le temps de rien, épuisé par cette réforme du bac mal ficelée et par l'impréparation calamiteuse avec laquelle les établissements scolaires doivent affronter la pandémie ? Un « protocole sanitaire renforcé », une « rentrée normale et joyeuse », qu'il disait notre Jean-Mi national, tout comme naguère on débitait sans rire des billevesées de gros calibre, du type la « guerre fraîche et joyeuse »...

La guerre justement, voilà le sujet de ce livre. Plus exactement la fameuse guerre de Vingt ans, qui va de la Seconde Guerre mondiale à la guerre d'Algérie, en passant par celle d'Indochine. Vingt ans qui ont permis à la France de laver l'humiliation de 1940, de reconstruire son armée et d'oser à nouveau affirmer sa puissance, mais jusqu'à se perdre dans le piège colonial et y laisser une partie de son âme. C'est un beau sujet, indéniablement, et traité qui plus est avec un talent certain pour faire revivre cette sombre épopée.
Le personnage de Victorien Salagnon est dans ce récit un fil directeur particulièrement réussi : enrôlé tout jeune dans les Chantiers de Jeunesse et passant directement de là chez les FFI, il est versé dans l'armée régulière à la libération avant d'aller guerroyer dans la moiteur de la jungle indochinoise, et de finir enfin en capitaine de paras en Algérie.
J'ai beaucoup apprécié l'histoire de Salagnon. Ce gars-là vaut le roman à lui tout seul. J'ai apprécié aussi le regard décapant que porte l'auteur sur notre histoire depuis 1945, et tous ces prolongements tirés pour souligner les fractures de la France d'aujourd'hui. Certes, Jenni ne se défend pas d'une fascination un peu trouble pour ses centurions, y compris lorsque leurs méthodes de guerre ne les mettent pas à l'honneur, mais sur le fond je ne vois pas grand chose à redire à sa vision.

Dire tout cela ne fait pourtant qu'appuyer sur le problème principal : pourquoi donc a-t-il fallu que l'auteur s'encombre d'un narrateur aussi tarte ? Un type tellement falot qu'on dirait la caricature d'un prof. Un bien pensant pénible, satisfait de son introspection permanente, et qui se croit intéressant lorsqu'en plus il nous fait le récit de ses histoires de coeur, et aussi de sexe tant qu'à faire. L'impression assommante, en sautant toutes ces pages vides, qu'une Anna Gavalda en petite forme se serait embarquée clandestinement au coeur d'un bon roman.
Ou alors c'est moi qui prend mal les choses, c'est bien possible. Ces derniers mois me rendent mauvais, je l'avoue.

Il faudrait en somme que je tourne ma hargne contre quelqu'un qui mérite vraiment de s'en prendre plein la musette. Inutile de dire que j'attends le nouveau livre de Jean-Michel Blanquer avec impatience.
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